L’artisanat luxembourgeois - Ben & Pol Weisgerber

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Sans fenêtres, une maison ne serait rien de plus que quelques murs à l’intérieur desquels il ferait froid et humide ou sombre et triste. Elles lui donnent de la vie. Weisgerber & Fils ferme les bâtiments du Luxembourg tout en laissant pénétrer les rayons de soleil depuis 1955. Ben et Pol, ses jeunes gérants, modernisent cette tradition de qualité et de design.

Plus aucune place où se garer. L’accès au parking est limité. A pieds, il faut se faufiler à travers les multiples camionnettes, chariots et autres véhicules prêts à être chargés, ou déchargés, devant l’atelier. Ça travaille dur au 2A de la Z.I. Breedewues du Senningerberg, où un camion de livraison laisse tout juste apparaître le grand logo bleu sur façade grise de l’entreprise, nappé des rares rayons de soleil d’une matinée couverte.

Des locaux en adéquation avec leurs valeurs

L’accueil des locaux se trouve sur la gauche. Sur Google, quelques clics seulement permettent de trouver les deux valeurs que l’entreprise productrice de fenêtres en alu met en avant – tradition et modernité –, et l’entrée de Weisgerber & Fils en est le reflet parfait : salle de réunion aux couleurs sobres, moderne et totalement vitrée sur la gauche, escalier industriel sur la droite et guichet, derrière lequel pend une vieille affiche retro en acier sur un mur en briques blanc, droit devant.

« Elle est super cool, hein ? » se félicite Pol Weisgerber, accompagné de son frère, Ben. L’entreprise compte deux jeunes gérants – de 32 et 30 ans – et ils viennent d’arriver. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. A une barbe près, ce sont les mêmes. Souriants, sympathiques et décontractés, à l’image de leur tenue chemise canadienne, jeans et sneakers. « Cette affiche, on l’a trouvée en rangeant la grange de mon grand-père après sa mort. Les couleurs (jaune et bleu) sont super belles. On l’a tout de suite mise là et elle inspire aujourd’hui nos nouvelles affiches du même genre, mais neuves. »

« On fabrique divers éléments très importants pour une maison : ceux qui ferment le bâtiment pour que les travaux puissent continuer. »

Pol Weisgerber

Ben et Pol enfilent leurs manteaux et se mettent en marche vers l’atelier. Bien qu’il ne soit qu’à quelques pas, ils en profitent pour expliquer de quoi leur production est faite. « On produit et monte des fenêtres, des portes et des façades en aluminium. Accent mis sur ‘on les produit nous-mêmes’. Ici, au Luxembourg. On fabrique divers éléments très importants pour une maison, mais aussi pour le client : ceux qui ferment et isolent le bâtiment pour que les travaux à l’intérieur puissent continuer. »

« C’est un produit high end » insiste Pol. « Une fenêtre design, sûre, hyper qualitative. Ce n’est pas une fenêtre qui vient entièrement finie de l’étranger et qu’on pose chez les clients. Je dis souvent à ceux qui viennent de la région de passer pour voir leurs fenêtres en train d’être fabriquées. Ils sont toujours étonnés parce qu’ils ont commandé sans savoir qu’on les produit chez nous. Les gens ne sont plus conscients de ça. Ils pensent qu’on les commande sur Amazon. (rires) »

On passe la porte de garage du hangar. Il est rempli et pourtant spacieux. Les couleurs grises des murs, bleues des barres et jaunes de la poutre au plafond y dominent. Les mêmes que celles qu’on retrouve sur l’affiche de l’accueil. La première machine se trouve sur la droite. Une Schüco AF 500. « C’est ici qu’a lieu la première étape de la production » explique Ben, « et cette machine en est le cœur. Elle a des outils intégrés qu’elle choisit elle-même et coupe et retravaille les profils. Chaque coupe est différente, à la demande du client. »

La deuxième étape se fait quelques mètres plus loin. Les profils y sont fixés l’un à l’autre avant de monter à l’étage pour la troisième et dernière étape de la production. En haut, 5 hommes s’activent. « C’est ici que sont faites les portes, les façades, les serrures… En gros, on ne commence à perforer les profils qu’à l’étage. » Au milieu de la plateforme, un grand trou donne sur la porte de garage du hangar. « On charge les camions depuis le premier étage. » Tout a été parfaitement bien pensé.

Ici aussi, les employé·e·s ont toute la place du monde pour circuler bien qu’il y ait des cadres de fenêtres dans tous les sens. Ça donne un charme et une vraie personnalité à l’endroit. Un arc-en-ciel, façon artisanat. On y trouve du jaune, du vert, du rouge, du gris, du bleu, du blanc, du mauve – qu’elles viennent des profils, de leurs autocollants de protection ou de stickers collés au mur. « Comme vous pouvez le voir, il y a beaucoup de travail pour le moment… mais ce sera plus calme après Noël. Tout ce qu’on prépare actuellement, ce n’est plus pour cette année. » Une précision bien utile, histoire d’être bien sûr qu’on ne se trouve pas dans l’atelier du Père Noël.

Une porte plus loin, la cuisine. Pol et Ben s’arrêtent devant trois maillots de sports différents, tous sponsorisés par l’entreprise. « On est actifs dans le sport » racontent-ils alors que leur père, l’ancien gérant, passe. « Vous pouvez faire une photo de lui » rigole Pol. « Non, non. Ech sinn net méi am Rennen (je ne suis plus dans la course) (rires). » Au bout du couloir, un escalier les ramène à la case départ : l’accueil.

Un détail supplémentaire, encadré et posé devant le bureau de la secrétaire, y saute d’ailleurs aux yeux. C’est aussi celui qui attire la presse chez Weisgerber & Fils ces jours-ci : le titre de Meilleur Créateur (ou Meilleure Succession) d’Entreprise dans l’Artisanat 2021 décerné par la Chambre des Métiers. Une réelle fierté pour de si jeunes gérants qui mettent à travers cela en avant une entreprise dans laquelle ils ont grandi et qui fait partie de la famille.

 

Parce qu’avant qu’ils en prennent le contrôle, c’est leur père et leur oncle qui en étaient à la tête. Leur grand-père avant eux, depuis 1955. Ben et Pol n’ont donc jamais rien connu sans l’entreprise. Ils y ont grandi, « même si c’était au Rollingergrund ; là où nos locaux se trouvaient de ’55 à 2003 avant de déménager ici » raconte Pol alors que Ben est parti chercher des cafés. « Là-bas, il y avait une maison dans l’entreprise. C’était courant dans le temps. Ma grand-mère y habitait et, nous, comme on passait souvent les weekends chez notre mamie, on y passait beaucoup de temps. Plus on y était, plus on s’y sentait chez nous. »

Mais même s’ils s’y étaient à leur place, le fait qu’ils en feraient un jour leur travail n’était pas si évident que ça. « Je dis toujours que c’est un job duquel on ne peut pas s’imaginer grand-chose en tant qu’enfant. On s’y identifie moins facilement que si nos parents sont fermiers ou boulangers… Moi, j’étais fasciné par la boulangerie » raconte Pol. « Si on va dans une classe de 20 enfants et qu’on leur demande ce qu’ils veulent faire plus tard, aucun ne parlera de fenêtre. »

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Pol Weisgerber à propos de ses premiers souvenirs dans l’entreprise familiale.

*en luxembourgeois

« Et moi non plus » ajoute Ben qui revient, 4 tasses de café à la main, et rejoint son frère à la table de réunion. « Petit garçon, je ne me suis jamais promené en me disant ‘je voudrais aussi faire ça un jour’. En fait, la question ne se posait tout simplement pas. » Jusqu’au déclic. Pour Ben, il a eu lieu en 10ème. « J’ai choisi l’informatique et remarqué que ce n’était pas pour moi. Je me suis dit ‘il faut que je trouve quelque chose qui me plaise’ et j’ai opté pour la mécanique. » Il a passé son CATP dans ce domaine au Lycée des Arts et Métiers et a rejoint l’équipe de son père dans la foulée, en 2011.

« Quand un ami de mon père lui disait qu’il avait vu une camionnette avec son nom écrit dessus, je me disais ‘wow, mon nom !’ »

Pol Weisgerber

Pol, quant à lui, a commencé dans l’entreprise en 2012. Chez lui, le déclic a eu lieu en voiture avec son père. Pas à un moment précis, mais au fur et à mesure du temps. « Pendant nos trajets, il me disait ‘regarde, ce grand chantier-là, c’est papy qui l’a fait’, ‘celui-ci c’est moi qui l’ai monté’… Ou alors un ami à lui passait et lui disait qu’il avait vu une camionnette avec son nom écrit dessus. Je me disais ‘wow, mon nom !’. C’est comme ça que j’ai compris que c’était quand même quelque chose de spécial. » Et cela le passionne, lui comme son frère, aujourd’hui encore. « Demandez à nos copines » rigole Ben. Pol éclate de rire. « Elles n’en peuvent plus de nous en voiture : ‘Tu me l’as déjà dit 3 fois que c’était ton chantier !’ » Pol a donc vite ressenti l’envie de travailler pour Weisgerber & Fils… mais a changé d’avis en cours de route. « J’étais au Émile Metz, bien décidé à faire serrurier. Mais j’ai changé d’avis en 9ème et je suis allé au Lycée de Mamer. Au Émile Metz, il n’y avait pas de filles ! (rires) Non, je rigole, c’est mes amis qui n’y étaient pas. J’y ai obtenu ma 13ème en génie civil. » Après cela, il est parti étudier l’architecture à Vienne un an et demi avant de se rendre compte que ce n’était pas fait pour lui, est rentré sans diplôme et a directement commencé à travailler pour son père.

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Ben Weisgerber à propos de sa passion pour son travail.

*en luxembourgeois

Pol et Ben étaient donc enfin réunis dans l’entreprise, prêts à prendre la relève quand le jour viendrait. Mais une chose faisait encore défaut : aucun des deux n’avait de brevet de maîtrise en serrurerie. « On aurait pu l’obtenir automatiquement après 5 ans dans l’entreprise, mais on a choisi conjointement avec mon père de le mériter à travers des cours du soir. Ça montre notre envie… parce qu’on en a bavé » se rappelle Pol, rejoint par Ben : « C’était 4 heures les samedis et dimanches matin et les lundis soir… mais ça a été une super école pour nous. »

Puis un jour, leur père a dit « Ça y est, je pars à la retraite ! » C’était en 2017. « On a été jeté dans l’eau froide, même s’il l’avait dit un peu à l’avance et tout préparé tip top pour qu’on puisse se lancer sur de bonnes bases. On a dû apprendre de nos erreurs. Des erreurs qu’on ne referait plus aujourd’hui, comme accepter trop de projets à la fois. Heureusement, elles n’ont pas eu de répercussions graves. » Il était également clair qu’ils prendraient la gérance de l’entreprise familiale main dans la main le moment venu. Ils prouvent par leur maturité et leur facilité à travailler entre frères que cette décision était la bonne.

« Sans nos employés, on ne serait rien. »

Ben Weisgerber

Leurs rôles se sont d’ailleurs naturellement définis. « Pol s’occupe des ressources humaines et de la calculation. Je fais les plannings des chantiers, la technique et la facturation » explique Ben. « Ce qui me passionne le plus, moi, c’est de voir les chantiers que j’ai planifiés prendre forme à chaque étape. Quand les profils que j’ai commandés arrivent, je suis tout fou », comme un·e enfant le matin du 6 décembre.

Pol, lui, s’est trouvé une seconde passion pour la négociation à travers son job de gérant. Puis, dans leurs relations avec leurs employé·e·s, « Ben reste disponible pour toutes les questions concernant les chantiers et je parle avec chaque personne présente à mon arrivée le matin et à mon départ le soir. C’est la meilleure façon de toujours rester au jus. » Une vraie ambiance de famille règne donc dans l’entreprise.

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Ben Weisgerber à propos de sa main droite et de celle de son frère dans l’entreprise.

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En effet, les frères ne cessent de mettre en avant leurs employé·e·s. Deux en particulier : M. Varga et Mme. Pallaro, « sans qui on ne serait rien. » Ils les ont d’ailleurs remercié·e·s en faisant d’eux leurs accompagnateur·rice·s à la remise de leur titre de Meilleur Créateur d’Entreprise de la Chambre des Métiers. « On était les seuls à ne pas être accompagné de membre de la famille, mais on en avait discuté avec eux et ils l’ont accepté sans soucis. M. Varga et Mme. Pallaro sont nos mains droites et ils l’ont autant mérité que nous. »

Moderniser en respectant la tradition

Mais aussi humble qu’ils soient, Ben et Pol ont modernisé leur entreprise à tous les niveaux en seulement 4 ans. Une prouesse qui fait d’eux un exemple. « On a investi dans une nouvelle machine, remplacé les personnes parties en pension par du sang frais et compétent, retapé les locaux, tout centralisé en termes de serveur informatique et digitalisé à l’aide d’iPads. Maintenant, tout le monde prend des notes avec son Pencil en réunion. Ça facilite le travail donc ça semble logique… même si ça ne l’est pas partout » argumente Pol.

 

Enfin, pour le futur, les objectifs resteront les mêmes. « On ne veut pas s’agrandir, on veut juste continuer à faire ce qu’on fait. Mais pour cela, on va devoir s’adapter. Trouver des jeunes pour remplacer les plus âgés. Et s’il n’y a plus de main d’œuvre compétente, la former nous-même. Parce que du travail, il y en aura toujours. C’est ça, l’objectif des 5 à 8 prochaines années. »

Pol et Ben voient donc loin, à long-terme. Ils n’ont pas la folie des grandeurs, ils souhaitent continuer sur leur élan et ne pas s’arrêter. Et il n’y a aucune raison qu’ils n’y arrivent pas s’ils gardent la même énergie, les mêmes valeurs et la même passion débordante à travers laquelle ils ne reculent devant rien et ne se mettent aucun mur. Juste une belle, grande baie vitrée signée Weisgerber & Fils qui donne sur une horizon radieuse façon golden hour.