Le temps de l’écoute (rétro 8/12)

Par Audrey Somnard

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La rédaction du Journal se penche sur 2021 - Audrey Somnard continue. Les douze derniers mois ont été passionnants, stimulants et enrichissants, tout en marquant notre premier anniversaire digital. A cette occasion, chaque membre de l'équipe a choisi la contribution dont la recherche ou la production l'a le plus marqué·e en 2021.

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Les journalistes font très majoritairement ce métier parce qu’ils·elles sont curieux·euses, mais aussi pour les rencontres et les histoires qui en découlent. L’humain est au cœur du projet du nouveau Journal. Après un an il est évident que c’est le cas, que ce soit pour nos sujets que pour la façon dont l’équipe travaille en coulisses.

Donner un coup d’œil dans le rétroviseur de l’année écoulée, c’est d’autant plus intéressant quand il s’agit de la toute première pour le nouveau Lëtzebuerger Journal. Nouvelle formule, nouveau site, nouveaux collègues, nouveaux bureaux, nouvelle mascotte (Buddy, notre « feelgood » manager), un an d’adaptation à un nouvel environnement. Mais il s’agit surtout d’une nouvelle façon de travailler. Nous avons arrêté de courir après l’actualité, la frénésie des conférences de presse, les annonces quasi quotidiennes liées à la crise Covid. Non pas que cela ne soit pas important, mais le Journal a fait le choix audacieux de se placer au-dessus de la mêlée pour prendre un peu de recul.

« Sans témoignages le·la journaliste n’est rien. »

Il est normalement difficile de choisir un article qui se démarque sur une année entière, car les rencontres ont été riches, mais dans mon cas la sélection a été rapide. Le deuil périnatal est un sujet qui doit être traité, mais il est tellement délicat à aborder qu’il faut y mettre le temps. Et c’est justement ce dont les journalistes manquent en général. Le luxe de pouvoir prendre le temps, c’est multiplier les interviews, de professionnels, d’associatifs, mais avant de tout de personnes concernées. Sans témoignages le·la journaliste n’est rien. Grâce à la nouvelle formule du Journal, j’ai pu rencontrer toutes les personnes qu’il fallait pour cerner le sujet et le traiter en profondeur.

Je n’oublierai jamais ma rencontre avec Claudia et Fabio. Ils m’ont ouvert les portes de leur maison alors qu’ils avaient vécu l’innommable seulement un mois auparavant. La perte de leur petite fille à une semaine du terme. Une tragédie qu’ils m’ont raconté avec un courage remarquable. Les deux n’ont pas flanché et alors que je notais leur histoire sur mon carnet, il m’était impossible de ne pas partager leur détresse. Ils étaient volontaires, ils avaient envie de raconter ce qu’il s’était passé. Contrairement à ce que l’on croit, la plupart des parents endeuillés veulent parler de leur enfant parti bien trop tôt. C’était aussi le cas de Maïa, consciente que parler d’Esteban ramène des souvenirs douloureux, mais qui permet aussi de faire vivre sa mémoire.

Une mémoire qui est visible à travers les étoiles de la fresque de la chapelle du CHL. Alors oui le sujet est triste, il est tabou, il parle de ce que personne veut évoquer : la mort. Au Journal nous nous attelons à des sujets difficiles, complexes, pour décrypter notre société d’aujourd’hui. Après un an de cette formule, nous essayons d’y parvenir chaque jour, avec un grand sentiment de fierté.