L'artisanat luxembourgeois - Remy Peters & Noémie Hengel
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Qui a dit que seule la France avait le secret du bon pain et de la bonne pâtisserie ? Noémie Hengel et Remy Peters, tous deux distingué·e·s pendant leurs apprentissages, ont le leur qu’ils gardent précieusement dans le livre de recettes de leur petite boulangerie luxembourgeoise : amour de l’artisanat, respect des traditions et racines locales.
La Grand-Rue de Mertert n’a jamais senti aussi bon la nuit. Depuis juin, la délicieuse odeur de la pâte à pain et à viennoiseries qui cuit aux alentours de 3 heures du matin vient chatouiller les narines de ceux·celles qui dorment la fenêtre ouverte. On en viendrait à espérer que le réveil sonne tout de suite pour passer au petit déjeuner sans plus attendre.
Si vous la suivez, cette odeur vous mènera devant une petite boulangerie charmante à devanture rouge décorée d’un voile qui présente son nom, en vert sur blanc : Remy an Noémie. A l’intérieur, le sourire communicatif de Noémie Hengel vous accueillera, accompagné de pains, de viennoiseries et de pâtisseries faits maison préparés avec le cœur dans le respect des traditions et avec des produits de qualité à vous faire saliver. Le paradis des gourmand·e·s.
Pour que toutes ces bonnes choses puissent prendre place en rayon avant de rendre le réveil de son·sa futur·e consommateur·rice à peine sorti·e du lit plus doux et de lui mettre le sourire aux lèvres, le mari de Noémie s’active en coulisses depuis de nombreuses heures. Remy Peters, au travail depuis la veille, nous explique que ce qui différencie la boulangerie Remy an Noémie des autres, c’est qu’il « renonce complètement aux aides chimiques ». « Mon pain, c’est de la farine, de l’eau, du sel et de la levure. Rien de plus, rien de moins. »
Au milieu d’une belle grande cuisine carrelée de blanc, Remy, en tenue de travail avec sa toque sur la tête, s’active d’une machine à l’autre. « Celle-ci est plus vieille que moi, elle vient de ‘West Germany’ » rigole-t-il avant de sortir sa pâte à croissants et de nous montrer un levain qu’il entretient depuis plus d’un an. « C’est mon ‘Corona-Sauer’. (rires) Je l’appelle comme ça parce que j’ai commencé le mélange la veille du confinement. »
En fin de matinée, Remy peut enfin se reposer après 12 heures de travail. En effet, il est debout à préparer la vente du lendemain depuis 22 heures. « D’abord, je pèse mes aliments. Ensuite, je prépare les pâtes que je pétrirai à minuit, après qu’elles aient reposé une heure. Une fois que c’est fait, vers 3 heures du matin, les premiers pains partent au four. La deuxième série les suit et, enfin, c’est le tour des pistolets et des baguettes. » Tout est prêt à être vendu à 6 heures et demie du matin, mais Remy n’en a pas terminé pour autant. Pendant un peu plus de 3 heures encore, il va s’occuper des préparations du lendemain. « Les baguettes, par exemple, passent 24 heures au frigo. » C’est seulement après cela qu’il en a fini avec tout ce qui est « purement boulangerie ».
« Mon pain, c’est de la farine, de l’eau, du sel et de la levure. Rien de plus, rien de moins. »
Remy Peters
Quand Remy a terminé, Noémie s’occupe de la vente. Sa journée à elle s’étire de 3 heures du matin à 6 heures du soir. Alors que son mari enfourne les premiers pains, elle se lève donc pour faire des gâteaux. « Mon truc à moi, c’est les gâteaux anglais » nous dit-elle. « Je ne suis pas très bonne en pain. Je préfère modeler. » Ensuite, vers 6 heures 30, elle donne un coup de main en pâtisserie avant d’aller s’occuper des client·e·s jusqu`à l’arrivée de leur vendeuse, mais cela ne met pas fin à sa journée pour autant. « La boulangerie est ouverte jusque 18 heures, je reste donc disponible. Entre-temps, je prends et prépare les commandes de gâteaux, je prépare la pâte à sucre, les tartelettes, etcetera. »
Remy et Noémie forment donc un duo complémentaire, dynamique et passionné, mais aussi jeune. Après seulement quelques semaines d’existence, ils·elles connaissent déjà « le succès qu’on s’était souhaité » comme le souligne humblement Remy. De quoi être fier·ère·s donc, même si cela n’a rien de surprenant quand on connait leurs parcours hauts en couleur. En effet, l’un·e comme l’autre est, sans trop le vouloir, tombé·e dans la ganache quand il·elle était petit·e.
Jour type
Remy Peters à propos de sa journée type.
*en luxembourgeois
Ayant tous deux fait leurs études au Lycée Technique de Bonnevoie, ils·elles ont fait leur stage de 9ème dans une boulangerie sans savoir si ça leur plairait. Ce dernier a fait mouche pour Remy comme pour Noémie qui a cependant dû y retourner une deuxième fois avant d’être sûre qu’elle voulait en faire son métier. La suite logique a été de s’engager dans un apprentissage, ce qu’ils·elles ont fait tou·te·s les deux.
Un apprentissage en boulangerie s’étend sur 3 ans ; une première année complète à l’école, puis deux ans où le travail en entreprise remplace en partie les cours et, enfin, un brevet de maîtrise pour conclure le tout. Noémie, qui a été nommée meilleure apprentie de tous les métiers durant son parcours, a fait le sien à la pâtisserie Schumacher. « Je n’ai cependant pas passé mon brevet tout de suite après. Je l’ai fait plus tard à Heidelberg en Allemagne. » Remy, quant à lui, a fait ses 3 ans à la boulangerie Beim Bäcker Jos de Beckerich, où il a « aidé à confectionner le fameux éclair pistache » glisse sa femme, avant d’ajouter 2 brevets de maîtrise « pour lesquels j’ai reçu les premiers prix » à son apprentissage.
Désormais maître·esse·s artisan·e·s, Noémie a continué chez Schumacher et Remy est parti travailler chez Hoffmann. Ce sont ces postes qui ont mené à leur rencontre. En effet, en 2017, Hoffmann a repris l’enseigne Schumacher et ce rachat leur a permis de travailler ensemble. A partir de là, les choses se sont enchaînées très vite. « On s’est mis ensemble et l’idée d’ouvrir notre boulangerie s’est manifestée très tôt » explique Remy avant que sa femme n’ajoute que « un professeur qui nous connaissait tous les deux du lycée nous a dit qu’une boulangerie était en vente à Mertert. Au début, on ne voulait pas aller la voir, mais on a fini par le faire pour le fun et on en est sorties en se disant que ce serait un super endroit pour prendre notre envol. »
Cette première visite de ce qui allait devenir la boulangerie Remy an Noémie a eu lieu en juin 2018, mais le couple n’a pris les clés que deux ans plus tard. Entre-temps, ils·elles ont chacun fait leurs expériences de leur côté afin d’enrichir leurs connaissances et compétences. Remy est parti faire des stages chez un boulanger à Genève en Suisse et chez un pâtissier de Vienne en Autriche « afin d’acquérir des connaissances dans la culture de la boulangerie germano-autrichienne » tandis que Noémie est allée à Lucerne, aussi en Suisse, et chez De Schnéckert et Kaempff-Kohler. « Une fois rentrés, le projet d’ouvrir notre boulangerie a pris de la vitesse et on a tout mis en œuvre pour ouvrir notre propre activité » explique Noémie.
Mais que les choses prennent de la vitesse ne veut pas forcément dire qu’elles vont vite. Bien qu’ils·elles aient reçu les clés des locaux en juin 2020, le couple, accompagné d’un ami « qui s’occupe de tout ce qui est croissants » à la boulangerie, a dû attendre un an avant d’ouvrir. « Il y a eu la Covid, les autorisations qui ont pris du temps… Heureusement qu’on avait nos parents pour nous soutenir, car on n’a pas travaillé pendant un certain temps, pensant constamment qu’on allait ouvrir incessamment sous peu » raconte Remy. « Mais tout est bien qui finit bien, parce qu’aujourd’hui, tout est super. » La Chambre des métiers, quant à elle, prend régulièrement des nouvelles du duo qui fait la fierté du domaine des boulangers luxembourgeois.
Deux amours forts, mais différents
Il aura donc fallu être patient, mais Remy an Noémie est un succès dont les boulanger·ère·s profitent tel d’un levain entretenu longtemps qui sort du four sous forme de pain bien croustillant. C’est d’ailleurs ça qui passionne Remy ; chaque étape d’un long processus qu’il compare à de la magie. « Déjà rien que quand j’observe mon levain qui vit littéralement, ça me passionne. On commence avec une base d’eau et de farine qu’on laisse reposer à température ambiante et qu’on rafraîchit toutes les 24 heures. Après 3 jours, ça commence à faire des bulles ; son premier signe de vie. C’est la levure sauvage dans l’air qui fait son effet. Au début, ça déborde à chaque fois donc il faut faire le ménage, mais après on s’améliore, petit à petit. Produire un pain qui est beau, bon, bien croustillant et qui tient une semaine, c’est ça que j’adore dans ce métier. »
« Les demandes de gâteaux sont de plus en plus folles donc je dois m’adapter et innover. »
Noémie Hengel
« Et la diversité de la pâtisserie » surenchérit Noémie. « Le pain demande de respecter une routine. Mon poste demande plus de spontanéité. Les clients ont des demandes très spécifiques pour leurs gâteaux d’anniversaire ou de mariage. Tous sont uniques, aucune figurine ne ressemble à une autre. Les demandes sont de plus en plus folles aussi, avec des trends venant des USA qu’on ne peut reproduire à cause de la quantité de beurre. Je dois donc m’adapter et innover. Chaque jour est un nouveau challenge que j’ai hâte de relever ! »
Un·e boulanger·ère produit non seulement ses pâtisseries, mais il·elle en mange aussi. Pour Rémy, difficile de choisir sa pièce préférée. « J’aime tout ce qu’on fait. (rires) Mais peut-être que j’aime les tartelettes aux framboises un peu plus que les autres choses. » Noémie, quant à elle, n’hésite pas une seconde : « les petits fours ! »
Pâtisserie
Remy Peters à propos de sa passion pour la pâtisserie.
*en luxembourgeois
Un des plaisirs de l’artisanat est donc de créer sa propre idée de A à Z et, en boulangerie, on peut même y goûter. Noémie se remémore le temps qu’elle et Remy ont passé à tester leurs recettes avant l’ouverture, « c’était génial d’essayer, de goûter et de rectifier ». « On a notre propre livre de recettes maintenant. Il est d’ailleurs intégralement en luxembourgeois. »
« C’est un vrai travail qui mérite d’être respecté » réagit Remy. En effet, que l’artisanat dans son ensemble soit plus valorisé lui tient à cœur. « Les campagnes de soutien sont de plus en plus nombreuses, mais elles ne sont pas encore vraiment arrivées aux oreilles des gens. Si un enfant dit aujourd’hui qu’il veut devenir boulanger, on lui demandera pourquoi il ne veut pas faire d’études. Il ne faut pas nous sous-estimer ; pour être le meilleur boulanger, il faut aussi avoir quelque chose dans la tête. De plus, aller chercher de l’expérience à l’étranger est notre forme d’études à nous. Chacun devrait aimer ce qu’il fait. C’est ça qui rend heureux. Pas l’argent. »
Une passion à temps plein
Heureux, Remy et Noémie le sont, et ils·elles ont hâte de découvrir ce que l’avenir réserve à leur nouvelle boulangerie sans se mettre trop de pression sur les épaules. Leurs objectifs se comptent sur les doigts de la main. « Le premier but était de pouvoir écrire des chiffres noirs. Pour la suite, on veut évidemment rembourser notre prêt, payer nos employés, produire toute la gamme qu’on s’était fixée, faire le travail administratif en un jour plutôt qu’en une semaine et, finalement, retrouver un peu de temps libre. »
En effet, leur situation actuelle occupe tout leur temps. Noémie aimerait se lancer dans le basket et Remy aimerait aussi refaire du sport, mais « l’heure veut qu’on morde sur notre chique un certain temps » explique Remy avant d’insister sur le fait que combiner temps libre et boulangerie est possible. « Bien sûr, un boulanger ne sera pas le dernier restant en discothèque parce que, à cette heure-là, il allume ses fours, mais c’est faisable. »
Être boulanger·ère demande donc beaucoup de sacrifices, mais c’est la boulangerie qui choisit ses boulanger·ère·s et non le contraire. Comme pour tout type d’artisanat, ignorer sa vocation ne sert à rien, car elle est en l’artisan·e. Comme le dit le proverbe, « choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».