L'artisanat luxembourgeois - Yannick Schuler

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Il est le directeur d'une entreprise de construction familiale où la passion de l'artisanat se transmet depuis maintenant quatre générations : Yannick Schuler incarne à merveille les valeurs que représente son entreprise - un business qui a été nommé d’après son grand-père Serge Bressaglia il y a 50 ans. Saupoudrée de touches d’Italie, son histoire est digne des meilleures séries télé, avec une touche d’authenticité en plus.

Gris clair avec de rares tons d’orange vif, la façade des locaux de l’entreprise de construction Serge Bressaglia qui ouvre la Z.A.E. Robert Steichen de Bascharage rappelle subtilement son logo. Son nom n’est étranger qu’à peu de monde au Luxembourg et, pourtant, plus que d’être celui d’une entreprise, il est celui d’une famille dont la passion du métier coule dans les veines depuis de nombreuses générations.

Une entrée qui (dé)coiffe

L’intérieur des locaux représente bien cela. Le hangar, garni de multiples étagères hautes de plusieurs mètres et d’escaliers menant à un espace bureau en hauteur, est identique à ce qu’on est habitué à voir dans les films. Un employé y fait des aller-retours en chariot élévateur rouge. Les bureaux, accessibles par une petite porte au fond, ne sont pas plus peuplés. Le nombre de personnes y travaillant se compte sur les doigts des deux mains. En bout de visite, la salle de réunion nous est présentée. « Le Directeur va arriver. »

La pièce est moderne, colorée de tons foncés et munie d’une grande télévision, mais ce sont les Lego qui pendent au mur qui attirent tout de suite l’attention. « Aussi digital qu’on soit, on ne passe pas à côté des Lego. On aime jouer, on reste de grands enfants ! » Yannick Schuler, Directeur de Bressaglia depuis désormais plus de 7 ans, fait son entrée avec un énorme sourire en dessous de sa barbe. « Directeur ? Non, je n’aime pas ça. Les titres, chez nous, c’est toute une affaire. Le fils du patron, peut-être ? (rires) Je n’aime pas ça non plus. Je n’aime pas les étiquettes. »

« Désolé pour l’attente, j’ai pris deux minutes pour me coiffer… » (rires) Aucun soucis bien sûr, le vent décoiffe sur les chantiers. Dès son arrivée, l’ambiance est bonne et décontractée. Yannick est on ne peut plus sympathique, humain et humble. Il aime rigoler autant qu’il aime l’entreprise qu’il dirige. D’ailleurs, avant même de parler de lui, il en présente l’activité.

« Directeur ? Non… Je n’aime pas les étiquettes. »

Yannick Schuler, Directeur de Bressaglia Serge

« Bressaglia est une PME qui travaille avec 35 personnes sur le terrain. » Elle est divisée en 3 domaines : la construction « où on a actuellement beaucoup de projets en lien avec des pompes à essence, avec l’industrie, mais aussi avec des maisons familiales », les façades « qu’on rénove et qu’on isole » et l’aménagement extérieur « notamment drainage et parkings ». Les clients, quant à eux, peuvent aussi bien être « des particulier·ère·s ou des bureaux d’architectes qui nous consultent » que des « entreprises qui travaillent avec nous depuis le temps de mon grand-père ».

Bressaglia

Yannick Schuler à propos de l’histoire familiale.

*en luxembourgeois

En effet, si quelque chose décrit l’entreprise Serge Bressaglia encore mieux que son activité, c’est la famille qui en est au cœur. Serge, le grand-père de Yannick, a profité de l’élan de son père, Virginio, qui s’était lancé dans la construction un peu moins de 30 ans plus tôt, et l’a créée en 1967 avant de la léguer à sa fille et à son mari qui en ont fait de même avec leur fils. « Pour éviter tout malentendu (rires), le nom de l’entreprise vient de mon grand-père maternel, c’est pourquoi je m’appelle Schuler et non Bressaglia. »

Un parcours tracé, mais pas tant que ça

Les valeurs et la culture familiale aux origines italiennes de Bressaglia ont donc servi de murs porteurs à l’entreprise tout au long de son histoire. Celle de Yannick l’illustre d’ailleurs parfaitement. « J’ai grandi dans et avec cette entreprise. En tant qu’enfant, c’était toujours super cool et super chouette de pouvoir y être. J’adorais ça. »

Bien qu’il ait « vite décidé de suivre ce chemin » dans sa scolarité, Yannick a tout de même fait un détour avant d’y arriver. « Comme pour beaucoup, la grosse décision de 9ème et toutes les options qu’elle offre, de l’électro à la mécanique, m’ont fait tourner la tête. » Fan de machines de construction type « camions, pelleteuses et autres » depuis toujours à travers « l’entreprise d’un ami de mon père qui en vendait et en faisait l’entretien », il a d’abord choisi cette voie avec le cycle de Mécatronicien Agri-Génie Civil du Lycée Agricole d’Ettelbruck. « J’étais apprenti avec ma combinaison bleue en entreprise. Je travaillais en atelier, sur les chantiers et je me couchais sur les sols gelés pour changer les filtres à huile en hiver. » (rires)

Yannick a cependant mis fin à cet apprentissage 2 ans plus tard. « Je me suis dit que je n’avais pas besoin d’un CATP pour ça. Ça m’intéressait, mais je savais que je voulais retourner dans l’entreprise familiale à long-terme. » Décidé, il a alors complété ses études de 2 ans de Génie Civil, « le chemin traditionnel », au Lycée Josy Barthel de Mamer et y a obtenu son CATP.

« J’étais apprenti, avec ma combinaison bleue, et je me couchais sur les sols gelés pour changer les filtres à huile en hiver. »

Yannick Schuler, Directeur

Une fois diplômé, ses parents lui ont demandé quelles étaient ses intentions : aller faire des études ou goûter au terrain. « Des études à Munich auraient probablement été sympas. (rires) Une belle ville… et ça m’aurait sûrement apporté quelque chose. Mais je me suis dit ‘allez, vas-y’ et j’ai opté pour le terrain. » Dès la fin de sa 13ème, Yannick a donc rejoint Bressaglia qui a légèrement changé sa structure pour lui faire un peu de place. « Ma mère s’occupait du volet financier, mon père a gardé les façades et m’a cédé la construction. »

Directeur malgré lui

L’entreprise a fonctionné comme cela pendant un certain temps. Puis, un jour, une panoplie de responsabilités supplémentaires sont tombées sur les épaules de Yannick sans prévenir. « Mon père est tombé sérieusement malade. A 4 heures du matin, ma mère m’a appelé pour me dire que le SAMU était là et qu’ils partaient à l’hôpital d’Esch. Il est resté dans le coma et injoignable pour cause d’opérations vitales pendant une longue période. J’ai été jeté dans l’eau froide une seconde fois. Je savais quoi faire, mais je n’avais plus de bouée de sauvetage en mon père, au cas où… »

A partir de là, ces responsabilités ne l’ont plus jamais quitté. « Une fois rentré à la maison et à nouveau en bonne santé, mon père m’a dit qu’il était temps, que j’avais fait mes preuves et que j’étais digne de reprendre le flambeau. Non pas qu’il en doutait avant, mais là, il l’avait vu en pratique. » La confiance déjà forte que son père lui portait s’était donc encore consolidée et il est passé de responsable de la construction à Directeur.

Passion

Yannick Schuler à propos de sa passion pour son travail.

*en luxembourgeois

7 ans plus tard, Yannick tire toujours autant de satisfaction de son poste. Il aime ce qu’il fait. Non seulement il travaille dans le domaine de sa passion, mais en plus il est l’heureux héritier d’une entreprise riche d’une identité qui lui est chère. « Ce que j’aime le plus, c’est de passer devant des bâtiments qu’on a construits. De me dire qu’on est parti de zéro et qu’on a apporté notre grain de sel au paysage, puis de me remémorer les souvenirs du chantier avec mes travailleur·se·s. En plus, faire tout ça sous le nom de mon grand-père, c’est encore mieux. J’ai de la chance. »

Les inconvénients du job ‘parfait’

Mais la vie de Directeur dévie parfois un peu du domaine purement construction. Évidemment, Yannick est souvent sur le terrain pour vérifier que ses travailleur·se·s ne manquent de rien, mais, pour le reste, c’est « checker le calendrier, valider et formuler des offres, garder à l’œil le chiffre d’affaires et vérifier que les chantiers soient bien approvisionnés ». « Parfois, je dois même être psychologue. Un de mes gars m’a encore appelé ce matin pour me dire qu’il ne pouvait pas venir à cause de problèmes familiaux alors qu’il est à quelques semaines du congé. Je dois être humain. Ça fait partie du job. »

Yannick s’est cependant trouvé un amour pour la stratégie. Il aime se donner des défis et s’attaquer à chaque axe d’amélioration possible. « Si on tape ‘entreprise construction’ sur Google, on est inondé de résultats. Je dis toujours qu’on cuisine tous avec la même eau ; on achète tous notre béton chez un bétonnier. Pour battre la concurrence, on se doit donc d’être irréprochables. Pour cela, je suis ouvert aux audits qui nous ‘déshabillent’ dans le but de devenir meilleurs, je mise énormément sur le dialogue entre chaque volet de l’entreprise et, surtout, je cherche des niches afin de générer des revenus quasi fixes. »

Néanmoins, certains jours apportent (encore plus de) stress et (d’) obligations barbantes avec eux ; remplir de la paperasse donne une tout autre saveur nostalgique à la combinaison bleue de jeune apprenti·e à l’intérieur de laquelle il se glaçait le dos en hiver. « Il y a de plus en plus de documents à remplir. C’est le gros point noir du job et une vraie perte de temps. La soi-disant ‘simplification administrative’, personne ne sait où elle est… Les multiples demandes d’autorisation qui sont, par exemple, nécessaires afin de renouveler une autorisation en lien avec la charge et le poids maximal des camions évacuant les déblais, c’était 2 pages l’année dernière alors que, maintenant, on en est à 6 ! » Le manque de décharges dans le pays est d’ailleurs aussi « un problème qui doit être sérieusement traité » selon lui. « Les entreprises doivent parcourir de trop grands trajets. » Yannick s’inquiète aussi quant au manque de main d’œuvre au Luxembourg. « Dans 6 ans, 50% de notre effectif part à la retraite. C’est très proche… » En interne, aucune solution ne se présente. « La plupart de nos jeunes à potentiel me disent que leur salaire leur suffit et qu’ils·elles ne veulent pas plus de responsabilités. » L’entreprise doit donc trouver de nouveaux éléments sur le marché du travail, ce qui représente « un challenge géant ».

En effet, selon Yannick, le Grand-Duché ne forme pas de façon optimale. « Oui, on peut étudier la construction, mais ça veut dire quoi ‘construction’ ? En Allemagne, en France, en Suisse, on a, par exemple, le job de chef de chantier. C’est un job de valeur. » En plus de ne pas avoir de formation adaptée, les parents luxembourgeois forcent souvent leurs enfants à opter pour des études académiques, même s’ils·elles ont un don pour l’artisanat. « Je pense qu’on remarque tôt chez un·e enfant s’il·elle est fait·e pour travailler avec ses mains ou doué·e en calculs. Dès lors, on devrait le·la canaliser et l’encourager dans la direction qui est la sienne. » Mais c’est rarement le cas. Le droit est plus funky. « Les parents poussent. ‘Mon enfant doit aller en classique, il·elle doit faire des études…’ Et puis ils s’étonnent quand grand-mère est à l’hôpital et que l’infirmier·ère ne parle que français ou allemand. C’est dommage. J’espère que la nouvelle campagne de la Chambre des métiers, qui est toujours là pour nous aider, aura du succès… »

« Les parents devraient encourager leurs enfants dans la direction qui est la leur plutôt que de les pousser à faire autre chose. »

Yannick Bressaglia, Directeur

En pause de midi ou en fin de journée, quand la pression est trop forte et que le vase est sur le point de déborder, Yannick peut heureusement compter sur ses hobbies : le HBK Handball Käerjeng dont il est Président, le club caritatif de la Table Ronde d’Esch-sur-Alzette qu’il préside également cette année, mais surtout le fitness. « J’essaie d’y aller 2 fois par semaine, même si je n’ai pas l’air du plus grand athlète… (rires) Ça fait du bien parce que ça vide la tête. Parfois, quand je suis énervé, j’arrive et je dis ‘coach, fais-moi souffrir !’ Après ça, je me sens plus léger. Je vais me chercher une petite salade, je la mange et je suis bien. »

Le reste du temps, Yannick le passe avec sa famille et ses ami·e·s. Les beaux moments et les beaux souvenirs, il n’a d’yeux que pour ça. C’est ça aussi qui fait de lui l’homme parfait pour le job de Directeur de Serge Bressaglia : il incarne ses valeurs. Famille, humanité, passion.