New Work : Droit à la déconnexion

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Hyperconnectés, les salariés assistent à la disparition progressive de la frontière entre leur vie professionnelle et privée et s’exposent à des risques pour leur santé. A quand un véritable droit à la déconnexion qui leur donne la possibilité de ne pas utiliser leurs outils numériques et de ne pas être contacté par leur employeur en dehors de leur temps de travail ?

Vous arrive-t-il de répondre à vos mails professionnels ou à des appels de vos collègues depuis votre domicile en soirée ou lorsque vous êtes en vacances ? « Selon l’étude Quality of Work Index 2018 menée par la Chambre des salariés au Luxembourg, 21 % des personnes interrogées répondent souvent à leurs e-mails professionnels même en dehors de leurs heures de travail, 16% disent le faire parfois. Ce nombre est supérieur à celui des salariés qui sont concernés par les appels professionnels à domicile, qui est de 11 %, relève David Büchel, psychologue du travail au sein de la Chambre des salariés (CSL). Ce phénomène d’hyper-connexion n’est pas nouveau, mais il a tendance à s’intensifier ces dernières années avec la généralisation des outils et solutions informatiques permettant une joignabilité constante.

En raison du développement fulgurant des smartphones, des tablettes, des offres d’accès à Internet à très haut débit, la population est désormais interconnectée dès le plus jeune âge. Ce phénomène de société soulève la question de savoir s’il doit exister un droit de chacun à couper ce lien permanent à son travail. « Ce droit à la déconnexion touche évidemment au thème de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il soulève de nombreuses questions. Un salarié connecté en permanence perd tout détachement mental et psychologique par rapport à son activité. Il pense au travail tout le temps et son stress s’en trouve augmenté. Or, des études ont démontré l’importance du détachement psychologique du travail dans les phases de récupération et de repos », précise David Büchel. Recevoir des messages de son chef sur son portable ne permet donc pas de se détacher mentalement de son travail et détériore la qualité du repos. Mais le salarié dispose-t-il de suffisamment d’autonomie pour couper le lien quand c’est nécessaire ?

David Büchel, psychologue du travail au sein de la Chambre des salariés

Un certain nombre de pays européens ont choisi de clarifier le droit à la déconnexion par des initiatives législatives, d’autres ont estimé que ce n’était pas nécessaire. « Au Luxembourg, le droit à la déconnexion n’est pas expressément mentionné dans la législation, mais le Code du travail inclus déjà différents garde-fous notamment en ce qui concerne le temps de travail », relate Nathalie Moschetti, juriste au sein de CSL. Première étape dans la bonne direction, la Convention relative au régime juridique du télétravail du 20 octobre 2020 évoque indirectement la nécessité d’encadrer la disponibilité du télétravailleur. « Sur ce point précis du télétravail, notre enquête Quality of Work Index 2020 montre 37 % des personnes estiment qu’on attend-elles d’être joignables en dehors des horaires de travail, contre 29 % pour les salariés qui se rendent sur leur lieu de travail. »

Nouveau pas en avant, le 30 avril 2021, le Conseil Economique et Social (CES) a remis un avis sur le droit à la déconnexion. Ainsi, les partenaires sociaux estiment que les dispositions légales en matière de sécurité et de santé au travail pourraient utilement être complétées par une nouvelle section intitulée « Respect du droit à la déconnexion ». Un nouvel article (L. 312–9) serait ainsi consacré à la mise en œuvre pratique de mécanismes qui favorisent le respect de ce principe dans les entreprises où les salariés utilisent des outils numériques à des fins professionnelles. De son côté, dans son accord de coalition, le gouvernement a affiché sa volonté d’instaurer le principe de la déconnexion dans le droit du travail. Reste à passer à l’acte…

« 37 % des personnes estiment qu’on attend-elles d’être joignables en dehors des horaires de travail. »

Nathalie Moschetti, juriste au sein de la Chambre des salariés

Il est clair que les mécanismes assurant le respect du droit à la déconnexion ne pourront être les mêmes pour tous. Mais l’entreprise pourrait par exemple retenir d’élaborer une charte et d’organiser des séances d’information pour sensibiliser les salariés sur l’importance de la déconnexion, les guider quant au bon usage des outils numériques et des courriels. « Dans certaines sociétés, les personnes ne consultent leurs boite de messagerie qu’à deux reprises dans la journée. On pourrait aussi décider de bloquer l’accès au serveur de l’entreprise pendant certaines plages horaires journalières et hebdomadaires ou demander aux salariés de laisser les outils numériques dans les bureaux lorsqu’ils quittent ceux-ci », explique Nathalie Moschetti. Selon l’avis du CES, l’entreprise doit rester libre de décider des mesures visant à faire respecter le droit à la déconnexion.

Dans une société où le bien-être des collaborateurs est devenu un argument d’attraction et de fidélisation, le chef d’entreprise ne peut plus éluder cet enjeu de santé publique. « Là où le salarié dispose d’un droit, l’employeur a le devoir de permettre la déconnexion », conclut Nathalie Moschetti.