Aborder la narration sous un angle différent

Par Teodor Georgiev Changer en anglais pour l'article original

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La nouvelle année est l'occasion idéale de revenir sur 2023. Pour l'équipe du Journal, cela signifie se pencher sur plus de 600 articles ou podcasts publiés et au moins trois fois plus d'interviews menées. Chaque membre de l'équipe a choisi la contribution qui l'a le plus marqué·e.

Après chaque entretien je me sens énergisé et privilégié d'avoir eu l'occasion d'entendre l'histoire d'une personne, ce qui n'aurait pas été le cas autrement. C'est probablement la raison pour laquelle je suis toujours dans cette profession. Et bien sûr, la façon la plus authentique de faire ressentir aux autres ce qu'a été cette conversation est de la leur faire écouter. Le podcast est sans conteste mon format préféré, et la création d'un épisode du De Gemengepodcast sur la ville de Luxembourg au cours de l'été n'a fait que renforcer cette conviction.

Cependant, cette production était différente dès le départ. Et ce n'est pas seulement parce qu'il s'agit d'un podcast avec plusieurs personnes interrogées, cherchant à faire tenir l'intégralité de l'expérience estivale d'une ville en 32 minutes. Avant même de dresser une liste des personnes susceptibles d'être interviewées, je me suis demandé : "Qu'est-ce que la communauté dont je vais parler dans cet épisode veut et a besoin d'entendre ?" En journalisme, nous abordons souvent les sujets en cherchant ce qui ressort. Nous trouvons cette chose, et c'est notre angle ou notre accroche. Cela fonctionne, et c'est ce qu'il faut faire. Mais cela vaut la peine d'essayer d'abord de se placer du point de vue d'une personne ou d'un groupe de personnes. Il s'agit d'un petit ajustement, mais s'il est effectué dès le départ, il fait une différence significative dans le résultat final. Imaginez un pilote quittant l'aéroport international de Los Angeles pour se rendre à New York. S'il ajuste le cap de l'avion de seulement 3,5 degrés vers le sud, il se retrouvera à Washington, DC, au lieu de la Grosse Pomme.

Je ne sais pas où je serais arrivé si j'avais adopté l'approche habituelle pour produire cet épisode, mais j'aime l'endroit où j'ai atterri. Je n'aurais certainement pas fait un tour sur les montagnes russes de la Schueberfouer avec un micro à la main. Mon seul regret est de ne pas avoir suivi les conseils de Laurent Schwaller, chef du service des espaces publics de la Ville de Luxembourg, qui organise la foire. Des lunettes de protection pour éviter que le vent ne me rentre dans les yeux auraient rendu l'expérience encore meilleure. Mais c'est pour cela que je vous donne ce conseil.

"En écrivant ou en produisant des podcasts, nous n'influençons pas seulement ceux et celles qui consomment ce contenu. Nous donnons aux personnes qui s'engagent une voix et le sentiment que leur effort en vaut la peine."

La narration est la meilleure caractéristique de tout épisode de De Gemengepodcast, et les sons de la Schueberfouer ont presque rendu trop facile d'amener nos auditeur·rice·s dans l'atmosphère extatique de la foire. Cet événement rassemble les Luxembourgeois·es qui, selon M. Schwaller, disent souvent : "On ne se voit pas pendant l'année, mais on se retrouve à la Schueberfouer." Pour les étranger·ère·s, c'est l'occasion de goûter à la culture luxembourgeoise et, qui sait, peut-être même de sortir de leur bulle et de parler à quelques locaux. Mais rien ne vous fera sentir plus proche de cette ville que d'être confronté·e à certains de ses problèmes les plus courants : le logement et la mobilité. Pour un pays aussi riche que le Luxembourg, il est surprenant de constater le manque d'infrastructures cyclables. C'est encore plus surprenant quand on sait que beaucoup de gens aiment prendre leur vélo, y compris des personnalités comme Jean Asselborn. Sauf que l'engouement des Luxembourgeois·es pour le vélo est plus récréatif que pratique. Les choses changent peu à peu, car la location de vélos et les subventions publiques ont permis de populariser ce mode de transport à deux roues. Corinne Cahen, membre de la Chambre des député·e·s et ancienne ministre de la Famille et de la Grande Région, me dit qu'elle se rend au travail avec son vélo électrique. Pourtant, le Luxembourg reste très centré sur la voiture, et Claudie Reyland, de Déi Gréng, n'a pas manqué de souligner au cours de notre conversation que le tramway était, comme elle le dit, "un projet vert."

Comme toujours, il est d'autant plus facile de raconter des histoires que l'on s'adresse à des personnes passionnées par leur métier, comme François Dickes, propriétaire du restaurant emblématique du Grund, Vins Fins, ou Michel Welter, directeur général de l'organisateur de concerts Den Atelier. En fait, que ce soit en écrivant ou en produisant des podcasts, nous n'influençons pas seulement ceux et celles qui consomment ce contenu. Nous donnons aux personnes qui s'engagent une voix et le sentiment que leur effort est utile, ce qui leur permet d'évoluer dans leur métier et de bénéficier à la société. Et c'est là le cercle de vie de l'histoire de cet épisode : apporter aux habitant·e·s de la ville de Luxembourg un regard neuf sur la capitale pour qu'ils sortent et l'explorent, tandis que ceux et celles qui fournissent les services qui permettent cela se sentiront obligé·e·s de continuer à le faire.