Derrière Luxtoday

« Vérifier la source » est l'un des principes de base de l'éducation aux médias – ne pas croire n'importe quoi juste parce que c'est écrit quelque part. Souvent, une recherche succincte sur Google suffit pour se faire une idée générale des sites internet et des groupes auxquels on peut faire confiance sur les plateformes de réseaux sociaux et de ceux qu'il faut mettre à la poubelle. Mais cela devient de plus en plus compliqué. La frontière entre les médias sérieux et les organisations qui prétendent l'être ou qui essaient honnêtement de l'être est parfois diffuse. Presque plus personne n'a une vue d'ensemble.

Pourtant, le fait que ni le ministère des Médias, ni le Conseil de la presse n'aient jamais entendu parler de l'autoproclamée « meilleure source d'information sur les principaux événements au Luxembourg pour les expatriés » reste une situation inhabituelle. Pourtant, le site luxtoday.lu semble être une plateforme bilingue très active avec une équipe fixe. Jusqu'à dix articles sont publiés chaque jour sur le site internet, dont le nom rappelle la chaîne russe contrôlée par le Kremlin, Russia Today (puis RT). Le lectorat que le nom ne rebute pas y trouve surtout des traductions directes en anglais et en russe de textes courts de médias luxembourgeois établis, plus rarement internationaux. Tous sont partagés en double exemplaire sur les canaux Facebook, Twitter et Telegram du média, respectivement en anglais et en russe. Une charge de travail considérable pour les deux personnes au moins qui, d'après la page publique de LinkedIn, doivent chacune intervenir en tant que gestionnaire de contenu et éditeur∙rice pour le média. D'autant plus que l'on ne sait pas comment le site et les collaborateurs∙rices seront financés. Les annonces publicitaires normalement omniprésentes dans les médias gratuits (et pas seulement) manquent ici, tout comme un système d'abonnement, un « contenu sponsorisé » dûment indiqué ou une possibilité de faire directement des dons. Les sources de revenus semblent totalement absentes du tableau.

Des collaborateurs∙rices motivé∙e∙s et des bots

Les collaborateurs∙rices n'en sont pas moins productif∙ve·s. Les thèmes locaux, parfois très spécifiques au Luxembourg, sont clairement le point de mire de la page : le tout premier post partagé sur le canal Telegram russophone (qui compte aujourd'hui près de 2.700 abonnés) le 21 janvier 2021 était déjà un résumé d'un reportage de RTL sur Marc Giorgetti, après que celui-ci est devenu président du Groupement des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics. Un sujet de niche très spécialisé, surtout en tant que tout premier article d'une plateforme nouvellement créée. Il est impossible de savoir quel article a été publié en premier sur le site, car celui-ci se bloque lorsqu'on le fait défiler trop loin dans le temps. Les textes suivants restent également locaux : rappels de produits, brèves, articles sur le marché du logement et traductions de comptes rendus de conférences de presse locales. Au premier coup d'œil, le site ressemble à un journal local – sauf que les collaborateurs∙rices vivent, selon leurs profils LinkedIn par ailleurs presque vides, en Russie et en Serbie. Parmi les nombreux articles, qui ne font chacun que quelques phrases, on trouve également onze témoignages en russe de personnes qui écrivent sur leur vie au Grand-Duché. Tous sont rédigés à la première personne et accompagnés de photos privées. Les profils de médias sociaux du site sont également régulièrement alimentés. Environ 2.700 personnes suivent le canal russophone du média. Le canal Instagram Luxtoday verse plutôt dans les informations lifestyle (style de vie) et luxe et n'a pas de lien évident avec le site. Luxemburgtoday, cependant, se décrit comme l'« éditeur » de Luxembourg ToDay et est rempli de photos apparemment sans rapport les unes avec les autres, taguées au Luxembourg. Les sections de commentaires des posts sont remplies de réactions de profils aux noms similaires, qui non seulement laissent tous des commentaires presque identiques, mais publient aussi en grande partie des contenus identiques sur leur profil, qu'ils likent les uns les autres.