L’aide au réemploi a du plomb dans l’aile

Par Camille FratiLex Kleren

Symbole de l’État social luxembourgeois, l’aide au réemploi a vu son envergure fortement limitée depuis la réforme d’avril 2018. Ses critères plus réducteurs ont officiellement balayé les abus invoqués à l’époque (mais non chiffrés) tout en laissant sur le carreau les chômeurs·euses de 40 à 45 ans et les entreprises nécessitant un coup de pouce pour embaucher.

Héritage de la crise sidérurgique, l’aide au réemploi est née en 1979 dans le sillage d’une flopée de mesures temporaires visant à amortir la casse sociale engendrée par le déclin de l’industrie nourricière de l’économie luxembourgeoise.

Son principe : garantir à un·e chômeur·euse retrouvant un emploi de toucher 90% de son salaire précédent. L’Adem (à l’époque Administration de l’emploi, devenue Agence de développement de l’emploi) complète la différence entre le salaire versé par son·sa nouvel·le employeur·euse – au moins l’équivalent du salaire social minimum (SSM) – et ce seuil de 90%, dans la limite de 3,5 fois le SSM, durant quatre ans. Dans l’esprit de la loi, cela laissait le temps à l’entreprise d’augmenter le salaire versé pour atteindre ce seuil in fine.

L’aide au réemploi a ainsi permis à plusieurs générations de travailleurs·euses de plus de 40 ans d’assurer leurs revenus après un licenciement économique. C’est un règlement grand-ducal de 1994 qui en fixe les modalités, jusqu’à 2017 et la saisine de la Cour constitutionnelle dans deux affaires similaires lancées par des salariés s’étant vu refuser l’aide au réemploi pour en avoir déposé la demande au-delà des six mois prévus dans le règlement grand-ducal.

Une « combine » pour Nicolas Schmit

Les magistrats ont en effet considéré dans leurs arrêts du 2 mars 2018 que ce règlement n’était pas conforme à l’article 11 de la Constitution selon lequel « la loi règle quant à ses principes la sécurité sociale, la protection de la santé, les droits des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale des citoyens atteints d’un handicap ». Dix jours après, la loi était votée.

Il ne s’agit pas d’une réactivité sans précédent du législateur par rapport à un arrêt de la Cour constitutionnelle. La réforme de l’aide au réemploi a en effet été engagée bien avant l’issue de ces affaires judiciaires. Le programme du gouvernement DP-LSAP-Déi Gréng pour 2013–2018 prévoyait justement de réformer ce dispositif « afin d’optimiser l’aide au réemploi et d’éviter les abus » en « incitant l’employeur à payer au salarié bénéficiant de cette aide une rémunération juste par rapport à la grille des salaires normalement applicable dans son entreprise ».

Le ministre du Travail et de l’Emploi de l’époque, Nicolas Schmit (LSAP), aujourd’hui commissaire européen à l'Emploi, aux Affaires sociales et à l'Insertion, s’est donc attelé à la révision de ce dispositif quarantenaire mais surtout coûteux : dépassant les 40 millions d’euros en 2010 pour 5.024 bénéficiaires, il avait frôlé les 48 millions d’euros en 2013 pour 3.996 bénéficiaires et pesait encore 42,8 millions d’euros dans les caisses de l’État en 2017.

En commission parlementaire, le ministre socialiste avait quelque peu gonflé ces chiffres, mentionnant une aide coûtant « 50 millions d’euros par an avec une tendance à la hausse ». Il avait surtout invoqué la situation « inacceptable » d’entreprises rémunérant leur salarié au SSM et laissant l’État verser une somme bien plus élevée, ce qui revenait à faire subventionner un salaire par l’État. Le ministre voulait mettre fin à cette « combine » entre le ou la salariée et son employeur·euse dans laquelle chacun trouvait son avantage.

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