Éditorial - Le travail en prison doit être rémunérateur
Par Christian Block Changer en allemand pour l'article originalÉcouter cet article
Le gouvernement a fait de la lutte contre la pauvreté une priorité. Un aspect de celle-ci ne sera toutefois guère abordé dans le débat à venir sur les pensions : la contribution et la protection sociale des personnes qui passent une partie de leur vie en prison.
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Imaginez que vous soyez payé pour votre travail pendant des années avec un gros tiers du salaire minimum non qualifié. Et ensuite, votre activité n'est même pas prise en compte à l'âge de la retraite. C'est aujourd'hui encore une réalité pour les personnes qui purgent une peine de prison au Luxembourg et qui travaillent derrière les barreaux.
Le travail en prison profite aujourd'hui surtout aux entreprises privées, dont certaines se soucient manifestement moins de créer des perspectives d'emploi que de maximiser leurs profits, sinon elles ne seraient pas si désireuses d'empêcher que leur nom soit rendu public.
Tou·te·s les autres sont plutôt du côté des perdant·e·s. Les victimes d'actes criminels, avec leurs droits à une compensation financière qui n'annule pas le mal qui leur a été fait. Les délinquant·e·s, s'ils·elles ne parviennent pas à se constituer une épargne en plus du remboursement des frais de justice, afin de s'ouvrir d'une manière ou d'une autre de nouvelles perspectives après leur libération. Et enfin, les contribuables.
Car les prisons coûtent cher à la collectivité. L'administration pénitentiaire gère un budget d'environ 134 millions d'euros. Mais les condamnations entraînent également des coûts indirects. Des personnes qui ne trouvent pas de travail en raison de leur casier judiciaire et qui peuvent éventuellement percevoir le revenu Revis à vie. Aussi parce que le potentiel de formation et d'intégration professionnelle dans l'exécution de la peine est loin d'être épuisé. Ou encore parce qu'ils·elles ont besoin de thérapies du fait qu'ils·elles sortent de prison physiquement et émotionnellement brisé·e·s.
Les décideur·euse·s politiques ont toujours autant de mal à faire vivre pleinement l'esprit tant invoqué de la réforme pénitentiaire de 2018 et maximiser les chances de "resocialisation". L'adaptation des salaires, attendue depuis longtemps, se fait toujours attendre. Et même s'il faut reconnaître au gouvernement CSV-DP la volonté d'honorer la promesse de la coalition tripartite d'adapter la rémunération du travail pénitentiaire, on peut se demander s'il s'agira en fin de compte d'une décision fondée sur des preuves. Car il n'existe pas de statistiques sur les revenus.
Oui, certaines choses et procédures prennent du temps. Mais certain·e·s autour du milieu pénitentiaire ne peuvent s'empêcher de penser qu'on n'accorde pas forcément une grande priorité à ces questions et qu'on perd un temps précieux avec des projets pilotes (mot-clé : programme de transition), des études et autres. Pire encore : dans les années 1980 déjà, il était question d'intégrer les détenu·e·s dans le système de sécurité sociale. Le procureur général adjoint de l'époque avait souligné l'importance de disposer d'un certain capital de départ à la libération pour pouvoir joindre les deux bouts. En d'autres termes, pour ne pas se retrouver à la rue. Ce qui devient manifestement de plus en plus indésirable aujourd'hui.
"Il est absurde de s'attendre à ce que les gens se transforment en bon·ne·s citoyen·ne·s après leur peine de prison, tant que la peine ne consiste pas exclusivement en une privation de liberté."
Les politiques savent qu'ils·elles n'ont rien à gagner du point de vue électoral en améliorant les conditions de détention ou que, dans le pire des cas, cela susciterait l'incompréhension. Parce que les meurtrier·ère·s ou les auteur·e·s d'actes de violence condamné·e·s à des peines de prison sont, selon le ton de certains commentaires crus sur les réseaux sociaux, "trop bien traité·e·s", ou bien qu'il faudrait, selon ceux·celles qui les écrivent, traiter les criminel·le·s d'une toute autre manière.
Il faut bien sûr rester réaliste, les gens ne se retrouvent pas sans raison dans une cellule de prison. On ne pourra pas empêcher certain·e·s de retomber dans la criminalité. Mais qu'en est-il des autres ? Ceux·celles qui apprennent de leurs erreurs ? Il est absurde de s'attendre à ce que les gens se transforment en bon·ne·s citoyen·ne·s après leur peine de prison, tant que leur punition ne se limite pas à la privation de liberté. Et qu'en plus, à leur sortie, il leur manque des perspectives réalistes de travail et de logement. Et oui : ce sont eux·elles qui doivent en premier lieu se battre pour cela.
Là où la stigmatisation et les préjugés prédominent, il faut du courage politique. Le débat sur les retraites serait l'occasion de donner une forme concrète aux vagues formulations de l'accord de coalition. Et de dire en tant que gouvernement : il va de soi que les personnes condamnées par la justice doivent également contribuer au bien commun et cotiser par exemple à la caisse de retraite. Et en même temps apporter la preuve du sérieux avec lequel il prend réellement en charge la lutte contre la pauvreté. Pour que le travail en prison rapporte à tout le monde.