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Jamais ils·elles n’avaient pensé avoir un jour besoin d’un organe. Et pourtant. Evelyne et Yuri doivent leur vie au don d’un·e autre. Guy a reçu de sa femme Martine l'une des plus grandes preuves d'amour : son rein. Ils nous racontent leur histoire.
Le don ultime
*en français
Les campagnes de don d’organe ne sont pas toujours très concrètes. Certain·e·s en parlent autour de soi, d’autres portent le passeport de vie, pour exprimer leur avis en cas de coup du sort. Mais parler de la mort est bien souvent un sujet encore trop tabou. Pourtant, il est bien question de vie. Des vies sauvées parce que le·la défunt·e a autorisé les médecins, de son vivant, à lui prélever un ou plusieurs organes après sa mort. En 2020, 13 personnes en ont bénéficié au Luxembourg. Un acte solidaire qui a permis à Evelyne, Guy et Yuri de reprendre le cours de leur vie.
Yuri Auffinger arrive pour l’interview juché sur sa trottinette, à 43 ans il est impossible de savoir que l’homme a subi une greffe de foie en 2013. Victime d’une maladie auto-immune qui a attaqué son foie, Yuri s’est dégradé peu à peu, dix ans de répit avant que la maladie prenne le dessus et que son foie tourne en cirrhose. Mis entre-temps sur liste d’attente pour une transplantation, il faudra un an pour que Yuri reçoive enfin le foie tant attendu : « J’ai passé les trois derniers mois alité à l’hôpital, j’allais toutes les semaines aux urgences où l’on me ponctionnait des litres d’eau dans mon corps, beaucoup de médicaments à prendre avec leurs effets secondaires, ma santé était vraiment dégradée », raconte-t-il.
Yuri Auffinger
C’est finalement après deux fausses alertes que Yuri apprend qu’un foie l’attend : « La première fois le médecin m’a rappelé alors que j’étais en route pour l’hôpital pour me dire que le foie n’était pas bon, la deuxième fois c’était lors d’un rendez-vous chez le médecin. Il était au téléphone et j’ai compris que ça ne serait pas pour moi cette fois-ci. » Le troisième appel a été le bon pour Yuri qui quittait justement une nouvelle fois le service d’urgences. Il se précipite de nouveau à l’hôpital et se prépare pour l’opération. Qui sera un succès. Yuri a obtenu un foie intégral, l’organe est le seul à pouvoir se regénérer, une chance pour les malades en attente : « On peut greffer les deux-tiers ou l’intégralité, dans mon cas ça a été l’intégralité. Je l’ai reçu d’une personne de 73 ans qui est décédée le jour même à l’hôpital. J’étais un peu gêné que mon foie soit aussi "vieux" mais les médecins m’ont rassuré car pour le foie l’âge du donneur n’a pas d’importance. »
Retour à la vie normale
Après l’opération, Yuri a dû réapprendre à marcher, la rééducation n’a pas été de tout repos, mais aujourd’hui le père de famille, très touché dès que l’on évoque son petit garçon, revit tout à fait normalement, malgré les médicaments à prendre à vie : « Les gens me demandent souvent si je peux manger tout ce que je veux, si je peux boire, la réponse est oui. Par précaution et parce que je n’ai pas d’intérêt, je ne bois pas d’alcool, mais les médecins ne m’interdisent pas de prendre un verre de temps en temps. En réalité je dois juste éviter les agrumes et en particulier le pamplemousse qui a une enzyme qui altère les effets des médicaments, mais c’est tout. Pour le reste je vis sainement. » Pour autant, l’opération a quand même laissé des traces : « Dans l’absolu je vais bien, mais je n’ai pas les mêmes capacités qu’avant l’opération. C’était beaucoup de travail pour revenir à une certaine forme, mais j’ai l’impression d’avoir pris du jour au lendemain dix ans dans les dents. »
« Sans la donation du vivant de ma femme, je ne serais pas là aujourd'hui. »
Guy Cognioul, transplanté
C'est par une journée d'été pluvieuse que Guy et Martine Cognioul nous accueillent dans le jardin de leur maison à Grevenmacher. Depuis le début de la pandémie, le couple a évité les contacts autant que possible. Lorsque des amis proches ou des membres de la famille viennent leur rendre visite, il faut qu'il fasse beau pour qu'ils puissent s'asseoir dehors. Guy est une personne vulnérable en raison de la transplantation rénale qu'il a reçue il y a plus de dix ans. Pour empêcher son corps de rejeter l'organe, il doit prendre chaque jour des médicaments dits immunosuppresseurs. Ceux-ci suppriment les défenses de l'organisme, ce qui signifie que Guy, qui a 57 ans, est plus sensible aux maladies infectieuses. Cela signifie également que la vaccination n'a pas fonctionné correctement pour lui. Ses anticorps contre le coronavirus n'ont pas augmenté suffisamment, même après la deuxième dose. Il fonde maintenant ses espoirs sur la troisième dose, qu'il était déjà autorisé à recevoir en raison de sa greffe. « Si mes anticorps ont augmenté depuis, je ne peux pas le dire, je n'ai pas encore fait d'analyse. » En tout cas, après la troisième injection, Guy a ressenti pour la première fois des effets secondaires importants. « Mais je pense que cela vaut la peine de se faire vacciner pour éviter de se retrouver aux soins intensifs », ajoute-t-il.
C'est lors d'un rendez-vous pour un don de sang en 2009 que Guy Cognioul a pris connaissance du fait que son taux de créatinine était inquiétant. Ce taux indique que les reins ne fonctionnent plus correctement. C'était une nouvelle surprenante, mais pas inattendue. La raison de l'état rénal de Guy est en fait une maladie héréditaire appelée polykystose rénale, à cause de laquelle son père avait déjà besoin d'un don d'organes. « Lorsque son père a subi une greffe de rein, nous venions de nous rencontrer », se souvient Martine. « A l'époque, je cherchais ce qu'était cette maladie dans un vieux Larousse médical au bureau. » Elle se souvient avoir parlé à son patron du fait que – si cela devait arriver – elle donnerait un rein à son Guy. « Je le savais. »
Martine et Guy Cognioul
Puis, bien des années plus tard, le moment est venu, Martine a brièvement eu des doutes. Le couple a dû consulter séparément différents médecins et psychologues pour s'assurer que Martine prenait sa décision en toute indépendance. « Le médecin qui m'a soignée à l'époque était vraiment brutal, se souvient Martine, il m'a préparée à toutes les éventualités et j'étais en fait un peu dans un dilemme. » C'est son médecin de famille qui, à son tour, l'encourage à franchir le pas, ce qu'elle ne regrette pas aujourd'hui. Et elle n'a aucune restriction suite au don. Guy en est sûr : « Sans la donation du vivant de ma femme, je ne serais pas là aujourd'hui. » Parce qu'en raison d'un problème cardiaque, la dialyse n'aurait pas été une solution à long terme pour lui. Plusieurs mois avant l'opération, il était déjà « au nirvana », comme il le décrit. Un brouillard cérébral sévère le faisait dormir au moins 20 heures par jour. Son corps était totalement empoisonné.
Donner un organe
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En règle générale, seuls les membres de la famille ou les partenaires mariés sont autorisés à se donner un organe l'un l'autre. Les personnes concernées doivent subir des examens psychologiques distincts au centre de transplantation à l'étranger. Jorge De Sousa doute qu'une personne soit autorisée à donner un rein à son meilleur ami. « Dans tous les cas, ils devraient subir les mêmes tests que les conjoints », dit-il. Ce qui pourrait s'y opposer, c'est le risque de « devoir quelque chose à quelqu'un », où là encore l'argent pourrait jouer un rôle. Toutefois, cette décision est prise par le centre concerné. Les dons anonymes de tissus vivants, comme un rein ou une partie d'un foie, ne sont actuellement pas possibles au Luxembourg.
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Jorge De Sousa n'a jamais été en contact direct avec une personne au Luxembourg qui a obtenu un organe via le marché noir. « Pourtant, ce n'est pas un secret que cela existe », affirme le coordinateur expérimenté de Luxembourg Transplant. Il pense néanmoins que les Luxembourgeois sont suffisamment éclairés pour ne pas prendre de risques. Cependant, M. De Sousa reçoit régulièrement des appels d'Angleterre, d'Inde ou de Turquie pour lesquels des personnes lui proposent leur rein.
Avant l’opération Martine a commencé à chercher des personnes partageant les mêmes idées pour échanger leurs expériences. N'ayant trouvé personne sur le coup, elle décide d'écrire un courriel à Frank-Walter Steinmeier, le chef du groupe parlementaire SPD de l'époque. « Il avait également donné un rein à sa femme à l'époque. C'était partout dans les médias. » Elle reçoit une réponse du secrétaire privé de M. Steinmeier décrivant l'expérience de l'homme politique. Après l'opération de Guy et Martine, il s'enquiert même à nouveau de leur bien-être. En dehors de la douleur, dont tous deux se souviennent comme étant extrême, tout se passe en fait exceptionnellement bien. « Son taux de créatinine a chuté immédiatement après la transplantation, donc la greffe de mon rein a bien fonctionné », dit Martine, qui en est encore heureuse aujourd'hui.
« Quand j’ai raccroché je me suis mis à sauter partout, j’ai dit à mon mari 'ils ont un rein pour moi, ils ont un rein pour moi !', je n’oublierai jamais ce moment. »
Evelyne Hornemann-Biagionni, transplantée
Evelyne Hornemann-Biagionni est pimpante pour ses (presque) 70 ans : passionnée de danse, elle montre avec joie ses photos de gala, maquillée et apprêtée comme il se doit. Pleine d’énergie aujourd’hui, elle sait bien à quoi elle doit son appétit pour la vie. Cela fait 18 ans qu’elle vit avec le rein d’un·e autre. Les médicaments, beaucoup de médicaments, elle en a pris l’habitude, et elle se plie volontiers à l’exercice : « C’est très lourd, il faut prendre beaucoup de médicaments à une heure fixe, je me mets des alarmes et je ne m’amuse pas à oublier. C’est une organisation supplémentaire quand je pars en voyage mais pour moi c’est très important de prendre soin de ce rein, j’ai eu de la chance d’en avoir un, alors je fais tout pour que cela dure », raconte-t-elle.
C’est dans les années 90 qu’Evelyne enchaîne les infections à répétition. Ses problèmes de santé sont liés à une maladie héréditaire dont sa propre mère, grand-mère et frère ont souffert. La maladie attaque les reins, la santé d’Evelyne se dégrade si bien qu’elle doit arrêter de travailler. Nous sommes en 1999. Une fistule est installée dans son bras pour la préparer aux dialyses à venir. La vie d’Evelyne change alors drastiquement : elle est attachée à une machine trois demi-journées par semaine pour la dialyse, sa vie en dépend désormais. Dès lors, elle est mise sur liste d’attente pour une transplantation de rein.
Dernière option
Selon Jorge De Sousa, le temps d'attente moyen au Luxembourg se situe entre trois et cinq ans. M. De Sousa est responsable du Service de Coordination de Transplantation à Luxembourg Transplant depuis plus de 21 ans. Il a expliqué au Lëtzebuerger Journal comment fonctionnent les listes d'attente. Selon lui, c'est le spécialiste traitant qui décide si un patient figure ou non sur une liste. « Il y a toute une série de critères pour cela, entre autres, il faut être vraiment malade. » L'âge du patient ou la durée de sa dialyse jouent également un rôle. Dans un premier temps, cependant, le médecin essaye de retarder une transplantation aussi longtemps que possible grâce à des médicaments. Après tout, « recevoir un organe ne signifie pas être guéri ». Les patients transplantés courent le risque d'éventuelles complications, ils doivent faire face à la possibilité de mourir sur la table d'opération et ils ont la certitude de devoir prendre des immunosuppresseurs pour le reste de leur vie. « C'est pourquoi j'essaie de permettre au patient de vivre avec son propre organe le plus longtemps possible. Une transplantation n'est envisagée que lorsqu'il n'y a pas d'autre option. »
Jorge De Sousa, Luxembourg Transplant
Ensuite, le·la patient·e est inscrit·e sur la liste d'attente. Cela signifie qu'il·elle est inclus·e dans la base de données internationale d'Eurotransplant. « À partir du moment où le patient est inscrit sur la liste, il obtient des points », explique Jorge De Sousa. Plus un patient a de points, plus il monte dans la liste. Personne ne peut perdre de points. « Tout au plus, vous êtes dépassé par les autres parce qu'ils obtiennent à leur tour plus de points en raison d'un état très critique. » Mais : « Peu importe que vous vous sentiez mieux ou que vous fassiez une 'pause' pour partir en vacances, vous obtenez des points tous les jours. » Jorge De Sousa pense déjà que la pandémie aura un impact sur la liste d'attente – mais pas immédiatement. « À cause du Covid, les gens attendent plus longtemps pour aller chez le médecin. Plus la situation se stabilise, plus le nombre de personnes inscrites sur la liste d'attente augmente d'un seul coup », craint-il. Pour l'instant, cependant, les effets ne se reflètent pas encore dans les chiffres.
Quelques faits
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Eurotransplant a été fondée en 1969 aux Pays-Bas. À l'époque, seuls trois pays faisaient partie d'Eurotransplant, dont le Luxembourg. Il y en a maintenant huit (les pays du Benelux, l'Allemagne, l'Autriche, la Slovénie, la Croatie et la Hongrie). « Plus il y a de pays qui travaillent ensemble, plus les chances de trouver un donneur compatible sont grandes », explique Jorge De Sousa.
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Selon le rapport d'activité le plus récent de Luxembourg Transplant, 13 organes originaires du Luxembourg ont été transplantés avec succès au sein du réseau Eurotransplant en 2020. Cela signifie que le Luxembourg compte environ 4,8 dons par million d'habitants, ce qui est très inférieur à la moyenne d'Eurotransplant qui est de 13,2 dons par million d'habitants.
En 2020, onze donneurs étaient éligibles au Luxembourg, dont sept ont été exclus pour des raisons médicales et quatre parce qu'ils avaient exprimé leur opposition au don d'organes avant leur décès.
En 2020, 81 personnes étaient inscrites sur l'une des listes d'attente (78 en 2018 et 65 en 2019). 13 personnes du Luxembourg ont eu une greffe d'organe à l'étranger (en 2018, elles étaient 34, en 2019, elles étaient 19).
Pour Evelyne, l’attente va durer 17 mois. Une attente relativement « courte » estime-t-elle, comparé à d’autres elle s’estime chanceuse. Pendant ces 17 mois, un beeper accompagne Evelyne à chaque instant, car l’appel d’un rein disponible peut venir à n’importe quel moment. Pendant ce temps, cette dernière a vécu tant bien que mal, malgré les contraintes : « Il faut éviter de boire un maximum pour ne pas faire trop travailler le peu de fonctionnalité des reins qui me restait, les fruits – qui contiennent beaucoup d’eau- et adapter mon emploi du temps aux dialyses. Nous sommes partis en vacances le premier été avec mon mari. Il faut trouver un endroit où l’on peut faire les dialyses sur place, faire la demande etc. C’est très lourd. Et finalement les dialyses fatiguent tellement que je n’ai pas profité de mon séjour. »
Evelyne Hornemann-Biagionni
Le deuxième été, Evelyne dit à son mari qu’elle fera sans vacances cette année. Et c’est la bonne. Le 17 juillet 2003 à 1h30 du matin, le beeper sonne. Evelyne se jette sur le téléphone, un rein serait prêt pour elle. Mais il faut encore faire des analyses avant de confirmer que le don pourra se faire. « Il y a en tout six facteurs compatibles et pour qu’une greffe prenne il en faut au moins quatre », explique-t-elle. Coup de « chance », le rein est parfaitement compatible avec Evelyne. En quelques heures, c’est le chamboulement, il faut qu’elle soit rapidement à l’hôpital et prête pour une opération qui va durer plusieurs heures : « Quand j’ai raccroché je me suis mis à sauter partout, j’ai dit à mon mari "ils ont un rein pour moi, ils ont un rein pour moi ! !", je n’oublierai jamais ce moment ».
Le Luxembourg et l'étranger
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Dans le cas d'Evelyne, la transplantation rénale a encore été effectuée au Luxembourg. Cependant, les transplantations d'organes ne sont plus effectuées dans ce pays depuis 2010. Tout simplement parce que le chirurgien qui les pratiquait à l'époque a pris sa retraite. « Les greffes étaient sa passion. Il ne prenait jamais de vacances et était toujours disponible », déclare M. De Sousa. Depuis lors, les patients résidant au Grand-Duché sont dirigés vers des centres de transplantation dans les pays voisins. Le coordinateur estime qu'il est bon que rien n'ait été forcé après son départ. « Le fait que des patients luxembourgeois soient transplantés à l'étranger n'est, à mon avis, que bénéfique », dit-il. Parce que pour être vraiment bon dans ce domaine, il faudrait une masse critique d'opérations. Or, ce n'est pas le cas au Luxembourg avec cinq transplantations par an. « À l'étranger, les patients sont bien pris en charge. Les médecins y pratiquent des greffes presque tous les jours. »
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M. De Sousa ne considère pas la dépendance à l'égard d'autres pays comme un problème, après tout, la coopération entre les hôpitaux universitaires et les hôpitaux luxembourgeois est très bonne. Si les patients doivent parfois faire de nombreux allers-retours, il existe aussi des médecins luxembourgeois qui se chargent des examens de suivi afin de minimiser les déplacements inutiles à l'étranger. Lorsqu'un organe est disponible, le transport vers l'hôpital universitaire doit être organisé le plus rapidement possible. M. De Sousa travaille à l'optimisation de ce processus depuis 2010 : « Aujourd'hui, lorsque le téléphone sonne, le patient est dans une ambulance dans les 25 minutes et à l'hôpital dans les deux heures. Tout récemment, j'ai eu un patient qui est arrivé à Bruxelles par hélicoptère en une heure », dit-il.
L’opération dure en effet 7 heures, et c’est un succès. Evelyne apprend plus tard qu’elle était la première compatible sur une liste de 14.000 personnes en attente d’un rein cette année-là. Le post-op est dur, mais Evelyne s’accroche : « Cela a pris cinq semaines pour me remettre et surtout réapprendre à boire ! Je n’avais plus l’habitude de boire, surtout dans des quantités normales, et puis même chose pour aller aux toilettes, je n’avais plus l’habitude d’aller uriner régulièrement. » Des choses de la vie quotidienne qui paraissent naturelles pour tout le monde, mais pas pour Evelyne. Et si cette dernière n’oubliera jamais cet appel du 17 juillet, elle pense tous les jours à son donneur : « Je ne sais pas grand-chose, juste qu’il s’agissait d’un adolescent en mort cérébrale. Je le sais car le rein n’avait pas atteint sa taille adulte, il a véritablement grandi en moi. Je suis si reconnaissante que ses parents aient fait le choix de sauver d’autres vies grâce à lui. C’est aussi arrivé à mon oncle qui a été victime d’une attaque cérébrale. Son décès a permis de sauver 5 personnes ». Aujourd’hui elle milite chez Protransplant pour raconter son histoire, sensibiliser sur le don d’organe et faire réfléchir les familles, même « si c’est un sujet dont on ne parle pas si on est pas directement touché. »
« Le don d'organes devrait faire partie du programme scolaire. »
Jorge De Sousa, Luxembourg Transplant
Le plus grand souhait de Jorge De Sousa, et en même temps son plus grand défi, est que les gens en parlent davantage. Il voit le plus grand potentiel chez les jeunes. « Le don d'organes devrait faire partie du programme scolaire. » Car ce n'est que si les gens sont davantage confrontés au sujet et sensibilisés à ce que signifie la possibilité de vivre avec un organe dans le futur, qu'ils se prononceront explicitement en faveur du don d'organes.
Devenir donneur : oui ou non ?
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Au Luxembourg, toute personne qui ne s'y oppose pas explicitement est un donneur d'organes potentiel. « Nous ne demandons pas la permission à la famille d'une personne décédée qui est un donneur potentiel, mais nous sollicitons son opposition », précise Jorge De Sousa. Luxembourg Transplant essaie d'abord de savoir si la personne décédée possède une carte de donneur d'organes. « Ce n'est pas si facile », déclare M. De Sousa, qui fonde de grands espoirs sur le « dossier de soin partagé » à cet égard. À l'avenir, celui-ci indiquera si une personne ne veut pas donner ses organes. Actuellement, toute personne peut télécharger l'application Passeport de vie pour indiquer si elle est disponible ou non comme donneur d'organes. Si Luxembourg Transplant ne trouve pas d'indice sur la façon dont la personne s'est décidée, la recherche commence. « Nous essayons de savoir comment cette personne y a pensé, si elle aimait aider, si elle était engagée, etc. » Si la famille déclare que le défunt ne veut pas donner ses organes, Luxembourg Transplant ne peut pas le vérifier et doit donc l'accepter. Jorge De Sousa appelle cela un « refus ». Il existe également le « refus médical », qui signifie qu'une personne ne peut être considérée comme un donneur en raison d'une maladie. « Il y a dix ans, il y avait beaucoup plus de refus que de refus médicaux », dit-il. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Cela montre que les gens sont désormais beaucoup plus ouverts au don d'organes.
Guy Cognioul sera également dépendant de la solidarité des autres à l'avenir. Sa greffe de rein n'a pas été sans mauvaises nouvelles : les médecins ont découvert que Guy souffre non seulement d'une polykystose rénale mais aussi d'une polykystose hépatique. Depuis lors, ses valeurs hépatiques ont été surveillées et une greffe de foie doit être envisagée. Guy ne connaît pas l'état exact de sa santé pour le moment. « La dernière fois que j'ai vu un médecin, c'était en mars 2020 », dit-il. Une conséquence de la pandémie. Il soupçonne que les valeurs de son foie ont augmenté depuis. « J'ai l'impression que le foie a tellement grandi qu'il exerce une pression sur les autres organes. Parfois, je n'arrive pas à respirer correctement ou je me sens malade », rapporte-t-il. « Nous avons tout essayé pour éviter une greffe de foie, mais je pense que nous devons nous y faire », déclare Martine. Pour elle, cela signifie « un traumatisme absolu ». Le foie étant le seul organe qui se régénère, un don de son vivant serait théoriquement possible. Mais Martine ne veut pas prendre ce risque à nouveau. Elle admire son mari, pour sa volonté de vivre : « Il a un caractère très fort. » Par conséquent, ni Martine ni Guy ne doutent que la générosité d'un étranger lui donnera une autre chance de vivre – il ne la gaspillera certainement pas.