"Faisons les choses avec les victimes"

Par Audrey SomnardLex Kleren

Pascale Zaourou est présidente du Clae, autrice du livre Les bleus invisibles où elle relate, à travers des poèmes et des extraits de son journal, son parcours de femme victime de violence domestique. Nous avons pu échanger avec elle lors d'une conférence donnée à la fin du mois de mai, où elle évoque notamment les difficultés économiques des femmes pour partir.

Lëtzebuerger Journal : Pourquoi avez-vous choisi la poésie comme forme artistique pour vous exprimer ?

Pascale Zaourou : Pour son langage universel. Je crois que c'est parce qu'elle est compréhensible. À tout moment, on peut enfin atteindre tout le monde. Et aussi pour apporter de la beauté dans cette lutte, car tout est ponctué de violence. J'avais vraiment besoin d'apporter quelque chose qui me ressemble davantage, d'ajouter un peu de douceur dans tout ceci. D'où la poésie. Mais c'était aussi pour construire un matériau littéraire que tout le monde puisse utiliser.

C'est donc parti de vous, mais vous aviez cette idée que ça soit aussi à destination d'un public ?

Disons que j'ai toujours tenu un journal. Je note tout, tout le temps. Lorsque j'ai décidé d'écrire, j'ai choisi la poésie. Un journal de survivante, est-ce que j'aurais pu aller jusqu'au bout d'un tel livre ? Je ne suis pas sûre. Quand c'est trop lourd, on finit par ne plus pouvoir lire. Je voulais éviter de banaliser la violence tout en gardant un cycle. Le livre est ponctué de poèmes et d'extraits de mon journal, pris sur le vif, sans ordre précis.

Combien de temps cela vous a pris pour que vous verbalisiez cela ? Que vous compreniez que c'est vous la victime de cette histoire ?

Peut-être une bonne année. D'abord, j'ai pris conscience que je vivais dans quelque chose de violent. C'était vraiment important de l'identifier. Ensuite, il y a eu la distinction. Dans le poème, j'ai essayé de tout voir de manière positive. La victime est souriante, la victime est muette, mais tout reste très positif. Lui, il est très charmant, intelligent. Je voulais aussi montrer que cette violence psychologique n'est pas forcément une manifestation violente visible. Il faut vraiment distinguer cela. En une année, et grâce à l'écriture, j'ai pris conscience qu'il s'agissait d'une relation avec violence domestique.

En lisant le poème, on voit le cycle qui recommence à chaque fois, ce qui permet de se rendre compte de la situation. Nous faisons aussi des ateliers d'écriture, car je trouve vraiment que l'écriture, dans mon cas, m'a aidée à extérioriser. En plus, c'est comme une documentation. Cela m'a permis de prendre du recul.

Vous dites aussi dans un de vos poèmes, "il vaut mieux être seul que de se croire à deux". J'ai trouvé ça très fort. Fort parce que c'est cette illusion de se raccrocher à ce couple qui n'existe pas.

Je crois que je suis une personne très terre-à-terre et réaliste. Pour moi, il est important que les choses soient concrètes. Ma définition du mariage ne correspondait pas à ce que je vivais. Chacun a sa propre définition du couple, et la mienne n'était pas en accord avec ma réalité.

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