J’ai deux mots à vous rire - Suppression sous pression
By Claude Frisoni Article only available in FrenchQuarante ans après la disparition de l’auteur de La Disparition, notre chroniqueur s’est lui aussi essayé à la suppression d’une lettre.
Il y a juste quarante ans, le 3 mars 1982, disparaissait le génial auteur de La Disparition. Georges Perec, amoureux des mots et alchimiste de la langue française, avait écrit un roman de trois cents pages, intitulé La Disparition, sans que certains lecteurs ou critiques (ce sont parfois les mêmes mais rarement) comprennent pourquoi l’écrivain avait choisi ce titre. Qu’est-ce donc qui avait disparu ? Eh bien, tout simplement la lettre la plus employée en français : le « e ». Trois cents pages sans utiliser une seule fois la lettre « e » ! Incroyable ! Et pourtant, l’histoire tenait debout, le style était bon et l’œuvre de Perec débordait en plus de jeux de mots, palindromes, homophonies et autres formules magiques qui font la joie des gourmets linguistiques. Mais, m’objectera-t-on, à quoi bon ?
Pourquoi Perec s’était-il infligé un tel calvaire ? 78.000 mots et 287.000 signes sans utiliser une seule fois le « e » qui est la lettre la plus usitée en français ? C’est certes un tour de force sans précédent, la preuve d’une virtuosité monstrueuse, un exploit littéraire sans égal… mais encore une fois, à quoi bon ? Eh bien, pourquoi diable faudrait-il que tout ait une utilité ? À quoi sert-il d’escalader les plus hauts sommets ? Pourquoi franchir de nouvelles frontières, se fixer des défis, tenter de repousser des limites ? Pas seulement lors d’exercices sportifs ou physiques mais aussi intellectuels. Pourquoi s’adonner aux mots croisés, au sudoku ? Pourquoi jouer aux échecs, aux dames, au tarot ou au bridge, quand il n’y a aucun prix à gagner, aucune incitation financière ?
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