J’ai deux mots à vous rire - Trois quarts de siècle

Qu’y a-t-il de commun entre la tradition de fêter les anniversaires et un journal ? L’absence de liaison. Je sais, c’est assez obscur. Essayons donc d’être plus clair. Le premier anniversaire célébré est souvent annoncé comme suit : « nous allons fêter les un an de X ». Les un an. Sans S à un, ça va de soi. Je n’invente rien, tout le monde s’arrange avec cette incongruité et fête les un an. Non seulement ce pluriel est particulièrement singulier mais il a une autre caractéristique.

Alors qu’on dit « les z’uns et les autres » on ne fait pas la liaison quand on parle de ces fameux un an. On ne souffle pas la bougie du gâteau des z’un an mais des un an, sans liaison. Quel rapport avec un journal ? La même absence de laison quand on parle de la Une. Les z ‘unes lisent le journal les autres pas, mais toutes et tous commencent par lire les Unes de la presse. Pas les z’Unes. Jamais les z’unes. Toujours les Unes. Il en va donc des Unes des journaux comme des un an des enfants, on ne fait pas la liaison entre l’atricle défini pluriel et le mot singulier. Pourquoi ? Mais parce que, tout simplement.

Parce que… Le Journal dont le vrai nom est Lëtzebuerger Journal (mais Journal c’est plus simple et plus facile à prononcer) ne fête pas ses un an mais bien ses 75 ans. 75 ans, c’est juste 6 ans de plus que moi, c’est donc très jeune. Surtout que j’ai démontré un jour que vieux, c’est dix ans de plus que l’âge qu’on a. C’est encore plus jeune pour un journal. Le Journal est né en 1948. Bien après un de ses ainés, qui demandait en 1871 qu’on expulse un certain Victor Hugo. Pour les vins, 1948 est une bien moins bonne année que 1947 ou 1949. Pas de pot, c’est juste entre deux grands millésimes. Pour le jus des pressoirs, certes, mais pour la presse ? Eh bien quelques années à peine après la Libération, un irrépressible besoin de démocratie et de liberté conduisait à se doter de moyens d’expression indépendants.