Notre chroniqueur a découvert le verbe escobarder…
Parmi les mauvaises nouvelles qui prennent un malin plaisir à gâcher notre quotidien, la disparition de Bernard Pivot m’a apostrophé. Elle m’a peiné aussi. Pivot aurait préféré que j’écrive : elle m’a contristé. Il aimait les mots tombés en désuétude et prenait leur défense comme d’autres volent au secours d’espèces animales menacées. Il avait même sorti un élégant petit livre intitulé Cent mots à sauver, qui révélait l’existence en péril de termes aussi rares que "affiquet", "apocope", "barguigner", "faquin", "brimborion" ou "vertugadin". Le facétieux amoureux des mots avait proposé à des écrivains d’adopter un de ces termes désuets et certains s’étaient prêtés au jeu. Parmi les cent mots censés être rares, certains m’étaient pourtant familiers. Comme billevesée ou coquecigrue, qui accompagnent depuis longtemps mes errements littéraires. Par la suite, d’autres se sont passionnés pour les vocables en voie d’extinction ou pire encore, définitivement disparus. Ainsi, Maguelonne de Gestas de Lespéroux, journaliste au Figaro (j’eusse mal imaginé qu’une journaliste d’extraction aussi noble écrivit dans Bistrot Magazine), Maguelonne donc a répertorié un série de mots tombés dans l’oubli.
Parmi ceux-ci, il en est un qui a retenu mon attention. Il s’agit d'"escobarderie". Le mot existe bel et bien, même s’il est classé parmi les mots vieillis et familiers. Il vient du verbe escobarder qui signifie, d’après le très sérieux Centre national de ressources textuelles et lexicales : "agir, parler en escobar". Fort bien, mais qu’est-ce donc qu’un escobar ? "Un personnage hypocrite, sachant utiliser d'adroits subterfuges pour arriver à ses fins ou les justifier." Tout ceci est parfaitement authentique. Il existe en français, depuis des siècles, un nom commun très péjoratif, qui s’écrit et se prononce exactement comme le nom propre d’un personnage correspondant à la définition de ce nom commun. Pablo Escobar était un escobar. Mais escobar n’est pas l’éponyme d’Escobar, comme poubelle est l éponyme du préfet Poubelle inventeur de l’objet si utile.
Accède à la suite du contenu.
-
Abonnement annuel185,00 €/an
-
Abonnement mensuel18,50 €/mois
-
Zukunftsabo pour abonné·e·s en-dessous de l'âge de 26 ans120,00 €/an
As-tu déjà un compte ?
Connecte-toi