J’ai deux mots à vous rire - Aux mots textuels

Par Claude Frisoni

Sans être un puriste, notre chroniqueur s’insurge contre ceux qui font de la langue, l’organe du dégout.

Régulièrement, comme par magie, de nouveaux tics de langage viennent enrichir, pardon, alourdir la langue française. Depuis une bonne trentaine d’années, "tout à fait", "absolument" ou "complètement" ont remplacé "oui". Pourtant, c’était pas mal, oui. Concis, précis, compréhensible. Trop simple, sans doute. En principe, non, dont on sait que c’est le contraire de oui, aurait dû céder la place, non pas à "pas tout à fait", ce qui signifie "presque", mais à "tout à fait pas", ce qui signifie… pas grand-chose. Tout à fait pas, c’est comme non, sauf que c’est nul ! Dialogue télévisuel : "Êtes-vous heureux de votre tournage ?" – "Tout à fait." "Êtes-vous un gros nul ?" "Tout à fait pas." Ça va peut-être venir.

Plus récemment, l’expression "un petit peu" a commencé à faire le trottoir. Quel que soit le sujet, "un petit peu" s’incruste, tapine, racole… Un petit peu, c’est une scorie, un déchet, une boursouflure, un chancre inutile plaqué artificiellement sur une phrase. On entend des "un petit peu" dans toutes les circonstances et à tout bout de champ. Soyez attentifs, écoutez patiemment les commentaires, vous observerez que les "un petit peu" sont un petit peu beaucoup trop présents, ces temps-ci.

Mais ne voilà-t-il pas que les sportifs, les professionnels du ballon rond en particulier, contribuent au renouvellement de la langue ? Je ne parle pas des commentateurs, inventeurs de "l’entame du début du match", mais bien des hommes en short. Pour une raison mystérieuse, ils sont désormais victimes d’une addiction à l’expression "c’est vrai que". J’ai entendu, de mes yeux entendus, des héros glorieux ou malheureux de compétitions sportives, disserter avec profondeur en affirmant : "C’est vrai que le coach nous a secoués à la mi-temps." Ou bien  "c’est vrai qu’on a fait de notre mieux". Ou surtout "c’est vrai que c’est pas vrai qu’on est des gros bœufs". Parfois ils s’écartent un petit peu du c’est vrai que pour s’aventurer vers le "comme j’ai dit". Comme j’ai dit, disent-ils. Mais comme ils ont dit à qui ? Et quoi ? Qu’ont-ils donc dit à qui ?

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