J'ai deux mots à vous rire - Un mal, des mots
Von Claude Frisoni Artikel nur auf Französisch verfügbarPour sa 200e contribution au Lëtzebuerger Journal, notre chroniqueur Claude Frisoni, amoureux des mots, a été scandalisé par des définitions du dictionnaire de l’Académie française.
Voici ce que nous apprennent les livres d’histoire : “Victor Hugo a été élu à l'Académie française au siège de Népomucène Lemercier, le 7 janvier 1841, après quatre échecs”. Que retenir d’une info aussi sybilline ? Que Totor, oui, une grande proximité idéologique m’autorise à l’appeler Totor, a été membre de l’Académie française? Certes. Mais encore. Qu’il ne l’a été qu’après quatre tentatives infructueuses, ce qui laisse imaginer l’hostilité que rencontrait le plus grand poète du XIXe siècle. Des tas d’obscurs scribouilleurs revêtaient l’habit vert, tandis que le plus grand écrivain français était froidement blackboulé.
Mais une autre révélation se cache dans ces quelques mots. Il fut élu en 1841, au siège de Népomucène Lemercier. Mais qui diable était Népomucène Lemercier, dont Hugo hérita du fauteuil après son décès? Eh bien, Lemercier, Népomucène pour les intimes, était un écrivain, auteur de trucs et de machins qui ne sont pas passés à la postérité. Il était surtout le filleul et protégé de la Princesse de Lamballe, ce qui n’est pas franchement une référence. Rappelons que ladite princesse, ayant suivi la famille royale après la journée du 10 août 1792, fut incarcérée à la prison de La Force et mise à mort par la foule au cours des massacres de Septembre. Népomachinchose fut surtout un ennemi irréductible de l’École romantique, donc de Victor Hugo. Il le combattit et s’opposa avec véhémence à son élection à l’Académie. Cruauté du sort ou justice littéraire, après sa mort, c’est le même Victor qui occupa son siège.
Que retenir de ce qui précède? Que l’auguste Académie a essentiellement été, au cours de l’histoire, un refuge de médiocres et de pistonnés ? Pour un génie du gabarit de Victor Hugo, combien de toquards du genre de Népomucène ? Pour aucun Émile Zola, recalé à 24 reprises, combien de zéros du type de Charles-Louis de Saulces de Freycinet, élu à la place de l’auteur de Germinal en 1890 ? Il faut dire que le multi-recalé avait eu l’outrecuidance de décrire la misérable existence des pauvres travailleurs et de se battre pour un certain Dreyfus. La bourgeoisie de l’époque ne lui pardonna pas
Bref, l’Académie française accueille parfois, presque par hasard, un écrivain qui laissera son nom à la postérité. C’est l’exception. La plupart des vieillards déguisés en vert du Quai Conti sont destinés à un oubli rapide et définitif.
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