Un exil politique et économique

En seulement quelques heures, le Portugal a fait sa révolution le 25 avril 1974. Celle intitulée des Œillets, car sans bain de sang et qui a donné une transition démocratique tout à fait pacifique. Victor Pereira, historien, revient sur cette période exceptionnelle de l'histoire dans son livre C'est le peuple qui commande : la révolution des Œillets 1974–1976, nous avons pu nous entretenir avec lui lors de son passage à Luxembourg.

L'importance de la diaspora portugaise en Europe, mais particulièrement au Luxembourg, est en partie venue de cette période. L'aspect migratoire est en effet partie prenante de son travail : "Je suis historien et j'ai principalement travaillé sur l'immigration portugaise en France. Au début de mes recherches, je me suis particulièrement intéressé à l'impact de la révolution portugaise en France, notamment sur les étudiants, les intellectuels et les hommes politiques qui sont allés au Portugal pendant la révolution des Œillets. Beaucoup voyaient cette révolution comme une continuité des mouvements des années 1960, avec un caractère socialiste remettant en cause le capitalisme. Certains espéraient même que cette révolution s'étendrait à l'Espagne et peut-être à des pays comme la France." Ce dernier a trouvé que des ouvrages de référence manquaient pour cette période qui reste encore peut-être trop fraîche pour une génération de Portugais·es : "J'ai continué à travailler sur ces questions, et avec l'approche des commémorations des 50 ans du 25 avril, j'ai pensé qu'il serait intéressant de proposer un nouvel ouvrage de synthèse sur le sujet, basé sur les recherches les plus récentes au Portugal. C'est un des sujets majeurs pour le pays. En accédant aux archives tant au Portugal qu'en France, bien que toutes ne soient pas accessibles en raison de leur volume, j'ai pu trouver des pistes et des fonds documentaires intéressants. J'ai donc commencé l'écriture de cet ouvrage, qui est sorti fin 2023."

Au-delà de l'histoire avec un grand H, l'historien s'est intéressé à ceux et celles qui ont fait cette histoire. Des hommes et des femmes qui ont fui leur pays pour échapper aux guerres coloniales, mais aussi à la misère : "Il y a plusieurs prismes. En fait, l'idée était que ces dernières années, l'histoire, et plus globalement l'histoire politique, est souvent vue à travers les militaires, les hommes politiques, et les intellectuels. Ce que je voulais faire, c'était une histoire qui, bien que traitant de la trame politique, des tensions et des divisions, soit aussi une histoire sociale. Ce que j'ai essayé de faire dans ce livre, c'est de proposer une vision synthétique et globale qui articule différentes dimensions : politiques, sociales, diplomatiques, et culturelles. J'ai tenté de raconter une histoire qui ne soit pas seulement centrée sur Lisbonne, en examinant différentes dimensions et échelles pour observer cette révolution."