Les femmes de l’ombre

Par Audrey SomnardLaia Ros

Le phénomène du sans-abrisme explose et les femmes ont des besoins spécifiques. À Bruxelles, il existe une structure spécialement conçue par et pour elles. Les organisations luxembourgeoises sont conscientes du besoin d'une telle installation dans le pays et regardent avec envie vers la capitale belge.

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Le cliché du sans-abri est un homme, seul, qui tente de survivre et dépend des associations pour trouver refuge. Pour les femmes cela se révèle souvent plus complexe. A priori moins nombreuses, plus discrètes, elles échappent aux radars car elles fuient la violence et l’insécurité des refuges. Ces structures mixtes, bien souvent dépassées, ne sont pas adaptées à cette population. Un centre de jour à Bruxelles, qui leur est entièrement dédié, est né grâce à la ténacité de sa directrice, féministe convaincue, qui a longtemps pensé que les femmes avaient besoin d’un accompagnement spécifique. Au Luxembourg, les associations regrettent que ce type de structure n’existe pas encore, et pourraient bien lorgner du côté de Bruxelles pour s’inspirer de leur modèle.

Puisqu'il y a moins de femmes sans-abri, le nombre de structures devraient être moindre. Ce constat a priori logique énerve Ariane Dierickx, directrice de l’asbl l’Ilot, que nous avons rencontrée il y a quelques semaines à Bruxelles. Pour cette dernière, les femmes ont des besoins spécifiques qui sont sous-estimés : "Mon premier étonnement a été de me rendre compte que les travailleurs de ce secteur n’étaient pas du tout sensibles à la question des inégalités entre femmes et hommes. Il y a encore cette croyance que puisqu’il y a moins de femmes sans-abri et qu’il y a beaucoup de structures dédiées aux femmes – on entend parfois même dire qu’il y en a trop –, on répond aux attentes." Mais c’est mal connaître les besoins que les femmes peuvent avoir en matière d’accompagnement notamment. Pour Ariane Dierickx, les femmes doivent faire l’objet d’un suivi particulier : "On accueillait et on accueille encore parfois les femmes comme on accueille les hommes. Il n’y a pas forcément une intervention spécifique qui tienne compte des trajectoires que vivent les femmes. Nous sommes plutôt dans une approche généraliste de l'accompagnement des personnes."

C'est aussi lié à la manière dont ce secteur s'est construit, poursuit la directrice : "L'Ilot est une organisation qui date de 1960. C'est à peu près dans ces années-là qu’ont été créées les grandes organisations encore existantes aujourd'hui. Les autorités publiques étaient dans une approche caritative de l'aide aux personnes, assez paternaliste aussi. Et c'est une époque où la majorité de ces publics, effectivement, étaient des hommes seuls." Les associations sont donc restées sur un schéma daté, qui s’appuie sur des clichés plutôt que des chiffres concrets.

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