J’ai deux mots à vous rire - Adroite priorité

Il arrive qu’un événement, une lecture, un film, une représentation théâtrale fassent remonter à la surface des bulles de vieux souvenirs, pas forcément reluisants… Ainsi, Rétrospective, le formidable roman de l’auteur colombien Juan Gabriel Vasquez m’a replongé dans mes folles années maoïstes, ou plus exactement mis le nez dedans, comme on le fait aux petits chats qui se sont oubliés sur le carrelage. La comparaison correspond plus à ce que j’ai ressenti en lisant les mésaventures du fils d’un cinéaste maoïste colombien (Cabrera) réfugié à Pékin en 1966, durant la Révolution culturelle.

De mon temps, on disait la Grande Révolution culturelle prolétarienne avec une vive émotion dans la voix. Grâce à la Pensée Mao Tse Toung (on ne disait pas encore Mao Ze Dong, qui sonne tout ramollo), les Gardes Rouges, entre deux citations du petit Livre du même métal, renversaient toutes les idées et traditions bourgeoises pour avancer dans l’édification de la société parfaite.

Vasquez raconte qu’un des groupes de Gardes Rouges avait trouvé une persistance de l’idéologie bourgeoise rétrograde s’étalant au grand jour dans toutes les rues de Pékin. Débusquant la vilénie dissimulée dans les gestes les plus anodins, les perspicaces Gardes Rouges s’étaient aperçus que les véhicules devaient s’arrêter aux feux rouges. Oui, le rouge signifiait danger, interdiction, stop ! Quelle horreur. Et pourquoi le rouge avait-il cette signification négative ? Parce que, évidemment, l’ancien régime avait voulu manipuler le peuple en lui faisant assimiler le rouge, couleur de la révolution et du drapeau du peuple, à des connotations négatives et dangereuses. Sacrés Gardes Rouges, à qui rien n’échappait. J’ignore à quoi ressembla la circulation dans la capitale chinoise quand on intima aux citoyens de passer au rouge et de s’arrêter au vert, tous n’étant pas prévenus en même temps et pas forcément convaincus.